"La Hongrie n'a pas de problème majeur de corruption, il n'y a que la tentative politique de l'opposition d'en faire un sujet important", balaie auprès de l'AFP Zoltan Kovacs, porte-parole de Viktor Orban, le dirigeant ultraconservateur à la tête du pays depuis 2010 et en lice pour un troisième mandat d'affilée.
Ce n'est pas l'avis des mains anonymes qui détournent régulièrement les affiches électorales du gouvernement: le slogan "Pour nous la Hongrie est numéro un" devient par exemple "Pour nous l'argent est numéro un".
Dans le dernier rapport de l'ONG Transparency international sur le niveau perçu de corruption, basé sur des appréciations d'experts, la Hongrie est avant-dernière au sein de l'UE, juste avant la Bulgarie. Au niveau international, elle est devancée par le Monténégro et la Géorgie. L'indice du pays a baissé de 10 points entre 2012 et 2017.
"Plusieurs exemples, ces dernières années, montrent que ceux qui sont au pouvoir en Hongrie considèrent les fonds publics comme les leurs", écrit l'organisation.
Un domaine, estime-t-elle encore, illustre le mélange des genres entre politique et affaires: le sport, et particulièrement le foot, cher à Viktor Orban, ancien joueur de l'équipe de Felcsut, son village d'enfance.
"Alimenter une clientèle"
Felcsut et ses 1.700 habitants se sont attirés les commentaires ironiques en 2014 lors de l'inauguration d'un luxueux stade de 3.500 places voulu par le Premier ministre à deux pas de sa résidence secondaire. Mais le cas est loin d'être unique: parmi une trentaine de projets de rénovation ou de construction de stades approuvés depuis 2010, on compte celui de Kisvarda, ville de 16.000 habitants à l'équipe insignifiante mais dont le député est le ministre du développement national Miklos Sesztak. Mezőkövesd, club sans palmarès présidé par Andras Tallai, un membre du gouvernement, joue depuis 2016 dans un stade neuf de 4.500 places.
Depuis 2011, les entreprises peuvent sponsoriser les sports collectifs en échange de généreux abattements fiscaux. Ce dispositif controversé est régulièrement mis à contribution pour financer les stades.
Mais l'opacité du système est la porte ouverte aux conflits d'intérêts dans un pays où de nombreux présidents de fédérations sportives sont des élus ou des proches du Fidesz, le parti d'Orban, dénonce Transparency international.
Le dispositif d'abattement fiscal est devenu "un outil pour alimenter la clientèle du gouvernement: ce sont toujours les mêmes sociétés, liées aux oligarques, qui remportent les appels d'offre des infrastructures sportives", affirme le journaliste Miklos Hargitai qui a régulièrement enquêté sur ce sujet.
Parmi ces hommes d'affaires figure Lorinc Mészáros, ami de longue date du Premier ministre, actuel maire de Felcsut, chauffagiste de formation devenu en quelques années 5e fortune de Hongrie, magnat de la construction et récent acquéreur de la plupart des journaux régionaux.
Ou Istvan Tiborcz, gendre de Viktor Orban, qui codétenait l'entreprise Elios, entre 2011 et 2015, lorsqu'elle a remporté de juteux appels d'offres financés par des fonds européens pour moderniser l'éclairage public municipal en Hongrie.
Payer le prix
En janvier, un rapport de l'Office européen de lutte antifraude (Olaf) a mis en lumière des soupçons de graves irrégularités dans ces appels d'offre.
La campagne électorale a été rythmée par les révélations de la presse d'investigation ou de l'opposition sur des allégations d'utilisation douteuse de fonds publics et de financements européens.
Quelques fidèles de Viktor Orban lui ont tourné le dos ces dernières années, ulcérés notamment par l'ampleur d'un "capitalisme de connivence", comme le dénonce Péter Ákos Bod, ancien directeur de la Banque centrale de Hongrie.
Pour autant "la majorité des militants du Fidesz vote pour Viktor Orban, et non pour le parti. Tant qu'Orban n'est pas touché personnellement par les affaires, il ne risque pas de perdre le noyau dur des militants", affirme l'analyste Tamas Boros.
Même les électeurs que dérangent ces accusations sont "prêts à payer le prix de la corruption", estime Daniel Renyi, journaliste au site d'informations indépendant 444.hu, "si c'est pour être protégés des migrants" - le thème de campagne quasi unique du gouvernement.
Et au final, poursuit M. Renyi, "ils préfèrent voir cet argent dans les mains du Fidesz que dans celles de la gauche et des "+communistes+".
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