Si leur rôle a évolué depuis leur création, les CDR restent les véritables sentinelles de la révolution au niveau local. Ils seront chargés de serrer les rangs au moment de l'élection du successeur du président Raul Castro, issu de la nouvelle génération, le 19 avril prochain.
Dans sa modeste maison de Cienfuegos, à 230 km au sud-est de La Havane, Orlando Fernandez se souvient parfaitement de cette soirée du 28 septembre 1960, lorsqu'il entendit à la radio le discours du père de la révolution cubaine. A l'époque, le castrisme, installé depuis un peu plus d'un an, n'avait pas encore révélé son orientation socialiste.
"Ils ont commencé à allumer des pétards dans la rue et Fidel a eu cette idée merveilleuse et a dit: +nous allons créer une organisation pour défendre la révolution+", raconte à l'AFP ce fonctionnaire agricole à la retraite âgé de 87 ans.
Dans la foulée de sa révolution, le nouveau pouvoir était confronté à des attaques armées, principalement à La Havane. Beaucoup étaient fomentées ou soutenues par Washington.
"Nous allons créer un système de surveillance révolutionnaire collective. Ils sont en train de jouer avec le peuple, mais ils ne connaissent pas l'incroyable force révolutionnaire qu'il recèle", avait alors prévenu Fidel Castro, sous les vivats d'un million de partisans rassemblés dans la capitale.
M. Fernandez, qui fut l'un des premiers à intégrer l'organisation, fut élu à la tête du CDR de son quartier lors du vote inaugural. "Je suis un fondateur des CDR", se vante aujourd'hui cette homme frêle au crâne dégarni.
- "Sur le qui-vive" -
Considérés comme les "yeux et les oreilles de la Révolution", les CDR ont pour symbole un homme portant bouclier et machette, surmonté du slogan "Sur le qui-vive".
Chaque antenne compte un président, un chef de surveillance, un organisateur, un idéologue, qui tiennent des fiches détaillées sur leurs membres et les habitants de leur zone.
A l'époque, les anti-castristes les surnommaient les "chivatos". Des "mouchards" qui gardaient dans leur viseur les faiseurs de troubles et opposants déclarés, mais aussi les individus aux idées ou comportements jugés pernicieux.
Les cellules de CDR, qui se comptent par dizaines de milliers, sont installées dans chaque quartier, chaque village du pays. Elles revendiquent quelque 8 millions de membres, soit plus des trois quarts de la population de l'île. Leur coordinateur national, Carlos Rafael Miranda, fait partie des 31 membres du Conseil d'Etat, centre de l'exécutif cubain.
Les CDR sont particulièrement en vue lors des élections. Ils convoquent des réunions de quartier, contrôlent scrupuleusement la participation de leurs administrés et interviennent même dans la désignation des candidats.
- Diversification -
Au fil des années, ce système de quadrillage idéologique --qui a fait des émules au Venezuela et en Equateur-- a survécu aux soubresauts économiques et sociaux de la fin de la guerre froide.
Peu à peu, de nouvelles taches ont été allouées aux CDR, telles que la lutte contre la délinquance, avec la désignation de "vigiles" chargés de surveiller de nuit les épiceries d'Etat. Les Comités sont aussi engagés dans la chasse au marché noir, ainsi qu'aux mauvais contribuables ou aux trafiquants de drogue.
Ils sont aussi impliqués dans la promotion des acquis sociaux et coordonnent les campagnes de vaccination, les dons du sang et les fameux travaux communautaires, qui mobilisent des volontaires de tous âges pour balayer les détritus ou élaguer arbres et pelouses.
Leur rôle a également été remarqué lors du passage destructeur de l'ouragan Irma, en 2017.
"Les CDR restent les CDR, même si les procédés ont changé, parce qu'à l'époque il y avait beaucoup d'individus qui menaient des actions" contre le gouvernement, concède M. Fernandez.
Visage des CDR depuis qu'un spot a été maintes fois télévisé à sa gloire, Maria Josefa Morales, surnommée "Fefa", dressait peu avant son décès en 2015 un bilan contrasté, regrettant que le "dur labeur" des débuts était aujourd'hui érodé par le désintérêt et l'absentéisme, notamment chez les plus jeunes.
Notant "un changement de contexte" depuis la fin de la guerre froide, l'expert cubain Arturo Lopez-Levy, professeur à l'Université du Texas Rio Grande Valley, confirme qu'aujourd'hui "le rôle des CDR est plus restreint, de moindre importance pour les nouvelles générations".
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