"1.266 personnes ont été décomptées" lors d'une maraude mardi soir, affirme Pierre Henry de France terre d'asile.
Le froid pique sur le canal balayé par les vents. Les tentes sont serrées sous les piles des ponts. Pas d'accès à l'eau potable, un ramassage des ordures compliqué... "Les conditions sont pires qu'à La Chapelle (autre campement de migrants, ndlr) parce que c'est isolé et enclavé", soupire Louis Barda de Médecins du Monde, qui mène des maraudes deux fois par semaine sur le site, dans le nord-est de Paris.
Problèmes d'hygiène, suspicion de gale... les maux "classiques" de la grande précarité sont présents. Mais la situation se complique du fait que "les passeurs sont redescendus de Calais. Beaucoup d'Érythréens ne veulent pas rester, ils font leur marché", ajoute M. Barda.
Blouson trop léger sur les épaules et croix en bois autour du cou, Simon fait partie de ces migrants qui veulent "aller en Grande-Bretagne". Déboussolé, il suit en grelottant un groupe qui s'éloigne vers une distribution de repas, porte de La Chapelle.
"Parfois, on ne mange pas pendant un jour ou deux. Quand on arrive en fin de la file, il n'y a plus rien", explique Yacine, Soudanais de 23 ans. "Quand je vois ça, je suis triste", dit-il en montrant les tentes bulle au milieu des détritus. "Où sont les droits?"
D'autres campements se sont formés non loin de là, quai de Valmy, réunissant 350 personnes, Afghans essentiellement, et, dans des conditions terriblement précaires, autour de la porte de La Chapelle, près du centre de premier accueil (CPA) qui hébergeait les migrants depuis 2016.
Mais le CPA va fermer d'ici quelques jours et n'accepte déjà plus personne. Le nouveau système, avec ses centres d'accueil de jour et ses 750 places d'hébergement, se met lentement en place, sans empêcher la formation de nouveaux campements comme celui de la Porte de la Villette.
"Logique de tri"
Des maraudes y sont menées. Mais "lorsqu'on intervient deux fois par semaine, auprès de personnes auxquelles on propose une solution d'hébergement immédiat, on a des refus, en nombre, ce qu'on ne comprend toujours pas", assure-t-on à la préfecture de région.
Khaled, Soudanais de 22 ans installé depuis trois mois, avance une explication: "On risque de se faire expulser vers l'Italie si on va dans un centre".
Une crainte proche de celle des associations, qui dénoncent depuis des mois une logique de "tri" à l'oeuvre dans les centres d'hébergement pour orienter les migrants en fonction de leur situation -- demandeurs d'asile, nouveaux arrivants, mais surtout "dublinés" enregistrés dans un autre pays européen où ils peuvent être transférés.
Il y a aussi des réfugiés sur le campement. "J'ai un titre de séjour depuis 2015", raconte Abdelrahmane, un Soudanais de 30 ans. Pourquoi dort-il ici, "sans couverture, sans sac de couchage"? "J'avais une chambre à Thouars (Deux-Sèvres, ndlr). Mais il n'y avait pas de cours de langue, pas de travail. J'ai préféré revenir ici", raconte cet ancien électricien.
Quand le campement sera-t-il évacué? "Il faut que les acteurs institutionnels cessent de se renvoyer la balle et agissent", tempête Pierre Henry.
A la Ville, on plaide pour "une mise à l'abri générale". "On suit la situation, on y est plus qu'attentifs", affirme-t-on à la préfecture de région, en rappelant que "plus de 2.000" migrants à la rue ont été pris en charge depuis le début de l'année, dont 200 mercredi matin vers le nord de Paris.
Mais "il faut imaginer un dispositif dans lequel tout le monde puisse être mis à l'abri, et en une semaine ou deux passer dans les CAES", ces nouveaux centres où les situations administratives sont examinées.
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