Lunettes et vêtements noirs, le chanteur de "NTM" entre en scène mardi soir au son d'un battement de coeur, sous les lustres de la salle des fêtes de la résidence du président de l'Assemblée, François de Rugy (LREM).
D'emblée, Robespierre est convoqué pour ces extraits de plus de deux siècles de discours parlementaires, de Hugo à Malraux en passant par Jaurès ou Lamartine.
Dans l'assistance, plus de 300 personnes, dont des députés, surtout LREM, (80 étaient inscrits) et quelques "people" comme les animateurs Karine Lemarchand ou Stéphane Plaza.
C'est une "séance parlementaire peu banale" avec "les grandes voix de notre Histoire réssucités par la magie du théâtre", a prévenu en préambule François de Rugy.
Se disant conscient des critiques sur cette invitation iconoclaste de celui qui a connu quelques démêlés avec la justice, il plaide notamment qu'"on ne devrait jamais sous-estimer la force des mots", rappelant l'hommage rendu l'après-midi même dans l'hémicycle "par la force du verbe" aux victimes de l'attentat de Trèbes, auxquelles JoeyStarr a dédié une minute de silence.
Avec une mise en scène sobre, les mots du rappeur issu du "9-3" claquent dans ce décor pas très "Seine Saint Denis Style".
Et surtout, les discours résonnent avec l'actualité. C'est le cas du plaidoyer pour "détruire la misère", "maladie du corps social comme la lèpre", de Victor Hugo en 1849, ou des propos d'Aimé Césaire en 1949 sur le sentiment d'"injustice" en outre-mer.
A l'heure de #metoo, la parole est aussi donnée à Olympe de Gouges, le rappeur - Didier Morville à l'état civil - disant au passage sa fierté d'être là et assurant bravache: "dit par moi, ça le fait!".
"Homme, es-tu capable d'être juste? (...) Dis moi, qui t'a donné le souverain empire d'opprimer mon sexe? Ta force? Tes talents?", tonne la féministe par son intermédiaire.
Hugo et le Jaguar
Pour permettre un peu de respiration face à la densité des textes, il fait de petits apartés: "toujours Hugo. Ca va?", "Monsieur, j'ai vu que vous dormiez tout à l'heure", ou encore, "c'est le moment Wikipédia là".
Parmi la centaine d'étudiants venus voir de près le "Jaguar", certains viennent d'Eloquentia, concours d'éloquence en Seine-Saint-Denis.
C'est le cas de Tasnim Azariz, 25 ans, qui juge "beau" de voir un artiste "différent de nous aujourd'hui, mais qui finalement part du même chemin". "Ca rend aussi l'Assemblée plus accessible", se réjouit aussi Yara Hamade, 21 ans.
Non loin de là, Alexandra Algibaia, 16 ans, venue d'un lycée professionnel parisien, "ne connaît pas spécialement" le quinquagénaire et juge le spectacle "instructif", sans être dithyrambique.
Mickaël Narbonnais, 23 ans, de l'Ecole nationale de la citoyenneté, espérait, lui, "du trash" et des "messages qui ont du sens", et puis "des barres de rire". Mais à l'issue, il juge le spectacle "surprenant", assimilant l'acteur à "un père qui engueule ses enfants".
Côté députés, venu comme d'autres LREM, tels Guillaume Chiche ou Olivier Véran, le président de la commission des Affaires culturelles Bruno Studer, observe que même si le côté "bad-boy" de JoeyStarr "tranche un peu quand même" avec le passé de l'institution, "tout ce qui va dans le sens de rapprocher l'Assemblée notamment des jeunes est le bienvenu".
Et non loin de là, Virginie Duby-Muller (LR), passée avec quelques collègues LR, salue un acteur "duquel émane beaucoup de sensibilité".
Le spectacle s'achève avec un plaidoyer pour la culture d'André Malraux: "Chaque enfant de France a droit aux tableaux, au théâtre, au cinéma comme a l'alphabet" et des applaudissements nourris.
Après ce qu'il revendique comme "un petit acte citoyen" à l'Assemblée, la prochaine étape pour le comédien et la pièce de Pierre Grillet et Jérémie Lippman, déjà jouée dans un théâtre parisien et une gare, sera une représentation... en prison.
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