Placés en détention provisoire, les deux suspects ont été mis en examen pour "homicide volontaire à raison de l'appartenance vraie ou supposée de la victime à une religion" et "vol aggravé", a détaillé mardi une source judiciaire.
L'un d'eux, né en 1989, était un voisin de Mireille Knoll et avait l'habitude de lui rendre visite; l'autre est un ami de ce dernier, un jeune homme de 21 ans, sans domicile fixe.
D'après des sources proches de l'enquête, le mobile privilégié par les enquêteurs est celui d'un vol visant l'octogénaire en état de faiblesse - même si cette dernière vivait très modestement -, vol qui vire au meurtre.
Le caractère antisémite a également été retenu, notamment au vu des déclarations des deux suspects, dans cette affaire encore entourée de zones d'ombre et qui suscite une condamnation au plus haut niveau de l'éxécutif.
Le voisin de Mme Knoll, qui avait échappé de justesse à la rafle des Juifs du Vél d'Hiv' en 1942, connaissait la religion de cette dernière. Par ailleurs, en garde à vue, son complice présumé l'a accusé d'avoir crié "Allah Akbar" en commettant les faits, d'après une des sources proches de l'enquête.
Les deux hommes, qui n'ont pas été confrontés durant leur interrogatoire, ont présenté des versions contradictoires, s'accusant mutuellement d'avoir porté les coups mortels.
Le corps de Mireille Knoll a été retrouvé en partie carbonisé vendredi soir dans son appartement du XIe arrondissement, où elle vivait seule. Les enquêteurs se sont rapidement orientés vers la piste criminelle, après la découverte de plusieurs départs de feu à son domicile, puis de traces de coups de couteau sur son corps.
"Marche blanche" mercredi
"J'exprime mon émotion devant le crime épouvantable commis contre Mme Knoll. Je réaffirme ma détermination absolue à lutter contre l'antisémitisme", a réagi sur Twitter le président Emmanuel Macron.
"Ignoble", "abject", "abominable" : la classe politique a unanimement condamné ce meurtre. "Les juifs ne sont pas en sécurité en France", a relevé mardi Malek Boutih, ancien député PS et ex-président de SOS Racisme, tandis que Laurent Wauquiez, président des Républicains, a appelé "chacun" à ouvrir "enfin les yeux" et que Marine Le Pen, présidente du Front national, dénonçait "un acte barbare".
Christophe Castaner, délégué général de La République en marche, a appelé les adhérents de son mouvement à participer à la "marche blanche" prévue par les grandes organisations juives mercredi après-midi à Paris, en mémoire de la victime.
Le suspect, né en 1989, est déjà connu pour des affaires de viol et d'agression sexuelle. Il a notamment été condamné en 2017 pour avoir agressé sexuellement une fillette de 12 ans. Les faits s'étaient déroulés au domicile de Mireille Knoll, la jeune victime étant la fille de l'ancienne aide à domicile de l'octogénaire.
"Je ne veux pas conjecturer, je prends acte de l'incrimination pour antisémitisme et me félicite de la réactivité de la justice" contrairement à l'affaire Sarah Halimi, a déclaré à l'AFP Gilles-William Goldnadel, avocat de la famille de Mme Knoll.
En avril 2017, cette femme juive de 65 ans avait été tuée à Paris par son voisin. Aux cris d'"Allah Akbar", entrecoupés d'insultes et de versets du Coran, le jeune homme l'avait rouée de coups, avant de la précipiter dans le vide. Mais la juge d'instruction en charge de cette enquête avait mis près d'un an, au terme d'un bras de fer judiciaire, à retenir le caractère antisémite.
Le nombre d'actes antisémites a certes de nouveau reculé en 2017, mais reste à un niveau préoccupant, et la communauté juive de France, qui représente moins de 1% de la population, est la cible d'un tiers des actes haineux recensés dans le pays. En outre les violences sont pointées en hausse, et cette augmentation des "passages à l'acte" préoccupe les autorités.
Depuis 2006 et l'assassinat d'Ilan Halimi, onze personnes ont été tuées en France parce que juives, selon les responsables communautaires. "Cette succession de meurtres nous rappelle que la communauté juive est la cible privilégiée de ceux qui haïssent la République et ses valeurs", a dit à l'AFP le président du Consistoire israélite, Joël Mergui.
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