Veste grise et chemise claire, Jacques Rançon n'a pas réagi au verdict prononcé après six heures de délibérations devant la cour d'Assises des Pyrénées-orientales.
Visage impassible, le condamné est ensuite sorti du box, après avoir été reconnu coupable du viol et du meurtre de deux jeunes femmes, Moktaria Chaïb et Marie-Hélène Gonzalez, ainsi que d'une tentative de meurtre et d'une tentative de viol. Des crimes commis entre 1997 et 1998.
A l'heure du verdict, comme pendant les trois semaines de procès, cet ancien cariste-magasinier de 58 ans est resté insondable, yeux vissés au sol, réfugié derrière ses trous de mémoire, feints ou réels.
"Marie-Hélène et Moktaria n'auraient jamais dû mourir. Je suis désolé de ce que j'ai fait et je demande pardon", avait déclaré Rançon en clôture des débats, pendant les plaidoiries de ses avocats.
Au terme des trois semaines d'audience qui n'ont pas permis d'éclaircir le déchaînement meurtrier de Jacques Rançon, l'avocat général Luc-André Lenormand avait requis jeudi la peine maximale : la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de 22 ans.
"Jacques Rançon n'a plus rien à faire dans cette société, où le droit à la vie est un droit inaliénable", avait déclaré M. Lenormand.
Celui que les policiers ont mis 17 ans à identifier était jugé depuis le 5 mars pour les viols et les meurtres de Moktaria Chaïb, 19 ans, et de Marie-Hélène Gonzalez, 22 ans, accompagnés d'atroces mutilations. Il a été également reconnu coupable d'une tentative de meurtre sur Sabrina, 22 ans, laissée pour morte, et d'une tentative de viol sur une quatrième jeune fille.
L'avocat général avait évacué toute possibilité de circonstance atténuante. Pas même en raison de son enfance miséreuse en Picardie, passée sans aucun ami dans la vieille maison en bois où il partagea la chambre de ses parents jusqu'à ses 18 ans.
A ses yeux, Rançon a "une dimension sadique" qui passe à l'acte parce qu'il "ne supporte pas le refus, "n'a pas de compassion pour l'autre" et veut montrer "sa toute puissance en emportant les organes", allusion au meurtre de Marie-Hélène, une auto-stoppeuse de 22 ans. La tête et les mains de la jeune femme avaient été retrouvées à 20 km de la scène du crime des mois plus tard.
Selon M. Lenormand, l'arme utilisée par Rançon s'inscrit aussi dans de ce "sadisme" : "Le couteau que vous utilisez pour agresser vos victimes, c'est l'arme des sadiques", avait-il fait valoir.
Il reste des "mystères"
Mais pour la défense, "ce n'est pas un monstre" mais "un homme, un père de famille. Un homme qui nous a émus" qui doit être jugé. Et seulement pour les faits qu'il a reconnus.
"Vous l'avez regardé, écouté durant trois semaines. Nous l'avions imaginé pendant 20 ans. Je suis convaincu qu'il ne ressemble pas à ce que vous aviez imaginé", à "cet ange de la mort qui avait déposé son trône au centre de Perpignan" et "y régnait comme une bête hideuse", a dit Me Gérald Brivet-Galaup aux jurés.
Et l'avocat de déplorer qu'évidemment les jurés, qui ont "vu et entendu beaucoup de choses" ne vont pas pouvoir se détacher de "sa cruauté" qui "le rend étranger à notre intelligence" avec des "mutilations qui "dépassent l'entendement".
Quant aux explications des crimes, l'avocat n'en a pas données. Il ne croit pas à la thèse du "pervers sadique". Et de s'interroger sans apporter de réponse avec son confrère Me Xavier Capelet sur les raisons qui ont permis à Rançon, pour le moins "un violeur récidiviste", d'en arriver là.
Dans son réquisitoire, l'avocat général avait reconnu qu'il restait des "mystères sur Rançon". La police et les juges ont cherché à savoir s'il n'avait pas commis d'autres crimes. Mais ils n'ont pu l'incriminer. Seulement M. Lenormand est resté sceptique. Il s'est interrogé en particulier sur le meurtre en 1982 d'une étudiante auto-stoppeuse finlandaise.
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