Son éditeur Rollin publications s'est déclaré en cessation de paiement mercredi, ont indiqué ses fondateurs à l'AFP, après l'avoir annoncé à leur équipe.
Après une campagne de préfinancement très réussie, et une riche collaboration avec les lecteurs pour préparer cette formule inédite, l'éditeur comptait vendre ces dernières semaines plus de 45.000 exemplaires du petit hebdomadaire à 3,50 euros lancé en janvier, 100% papier et sans publicité, avant d'atteindre 90.000 exemplaires dans deux ans.
Las, après quatre premiers numéros réussis, les ventes de l'hebdomadaire qui promettait sont tombées autour de 15.000 exemplaires par semaine.
"C'est un échec commercial", a reconnu le journaliste Patrick de Saint-Exupéry, cofondateur de cet hebdomadaire, dans un entretien avec l'AFP. "Il n'y a aucun indicateur montrant que cela frémit", a souligné à ses côtés Laurent Beccaria, l'autre cofondateur du journal. Le numéro 11, daté de vendredi, sera le dernier.
"Nous avons essayé de répondre aux critiques et d'améliorer Ebdo, semaine après semaine. Sans succès", reconnaissent les fondateurs dans une lettre destinée à leurs abonnés.
A ces mauvaises ventes se sont ajoutés des revers financiers: plusieurs investisseurs et deux banques se sont retirés. Pour "préserver l'activité" des revues XXI et 6mois, qu'il édite également, et sauver des emplois, Rollin Publications a demandé la nomination d'un administrateur judiciaire.
La revue XXI pourrait survivre
Sur les 63 salariés de l'éditeur, une quarantaine avaient été embauchés pour le lancement d'Ebdo, dont des journalistes réputés comme Anne Jouan (ex-Figaro), Laurent Valdiguié (ex-JDD), Samuel Forey (prix Albert-Londres 2017) ou Nicolas Delesalle (ex-Télérama). L'ex-secrétaire d'Etat socialiste Thierry Mandon avait pris la direction générale du journal.
Dans la presse, un lancement raté est souvent synonyme d'échec: le "New Yorker" à la française de Jean-Louis Servan-Schreiber n'avait tenu que quelques semaines en 1980; en 1997, le Quotidien de la république lancé par l'ex-secrétaire d'Etat socialiste Henri Emmanuelli avait tenu onze jours.
Rollin doit arrêter Ebdo "pour ne pas creuser le déficit", a souligné Laurent Beccaria, qui estime qu'il aurait fallu trouver 8 millions d'euros pour poursuivre la publication, soit le double de la somme prévue avant le lancement.
Les fondateurs d'Ebdo devraient se retirer des éditions Rollin, où ils ont développé pendant dix ans deux épaisses revues à succès, XXI et 6Mois. Des offres de reprise sont déjà prévues, selon eux.
Le flop Hulot
"Il y a un rendez-vous manqué avec les lecteurs", a expliqué Laurent Beccaria,reconnaissant aussi que "l'affaire Hulot a précipité le malaise".
Le grand coup d'éclat d'Ebdo en trois mois a été la publication d'une enquête sur Nicolas Hulot, révélant que le ministre de la Transition écologique avait fait l'objet d'une plainte pour viol en 2008, classée sans suite pour cause de prescription.
Cet article a été très critiqué dans les médias comme par des lecteurs fidèles de la revue XXI, qui soutenaient l'aventure Ebdo depuis son lancement, et le journal a perdu des abonnés au passage.
A la suite de cet article, un investisseur individuel qui devait apporter des fonds au journal s'est désisté. Et avec les mauvais résultats de l'hebdomadaire, les déboires se sont accumulés: une augmentation de capital de deux millions d'euros à laquelle devaient souscrire huit personnes morales a été annulée et les crédits bancaires de deux millions d'euros sur lesquels les fondateurs du journal comptaient n'ont pas été débloqués.
La société Rollin Publications ne s'est retrouvée qu'avec un million d'euros en caisse, issu de ses fonds propres, de ses réserves financières et de la campagne de financement.
Le 4 avril, le tribunal de commerce va "sans doute désigner un administrateur judiciaire et décider d'un délai assez court, de un ou deux mois, pour recevoir des offres de reprise pour XXI et 6 Mois et peut-être au-delà de leur périmètre, avec plus de salariés", a expliqué Laurent Beccaria.
Cet échec intervient alors qu'un autre hebdomadaire, "Vraiment", s'est lancé en kiosques ce mercredi, en promettant lui aussi un traitement différent de l'actualité.
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