Deana Lynn, âgée de 44 ans et née dans l'État américain du Michigan, a posé il y a près de 20 ans ses valises en Syrie avec ses enfants et son mari cuisinier d'origine syrienne, qu'elle a rencontré lors de leurs études universitaires aux États-Unis.
Comme des centaines de milliers d'habitants de la Ghouta, la famille de Deana a subi les affres de la guerre et du siège, synonyme de traumatismes, de pénuries de nourriture et de médicaments.
Mais cela n'a pas poussé à partir cette mère de huit enfants, dont cinq sont détenteurs de la nationalité américaine, qui dit avoir plusieurs fois écrit à son président pour lui demander d'intervenir afin de mettre fin à la guerre.
Installée à Douma, la grande ville de la Ghouta orientale, cette professeur d'anglais témoigne du quotidien dans le dernier bastion rebelle aux portes de Damas, cible depuis le 18 février d'une offensive meurtrière du régime syrien.
Elle décrit, la voix émue, des conditions de vie souvent insoutenables pour ses petits "traumatisés" par les bombardements.
"Ils entrent dans un état d'hystérie quand les bombardements approchent. Dans les sous-sols, les enfants crient mais les parents aussi", raconte la quadragénaire, portant un long manteau beige et un strict voile noir.
Plus que jamais le régime syrien est déterminé à reprendre la totalité de l'enclave rebelle, qu'il a déjà reconquis à plus de 80%, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
En un mois, son pilonnage quotidien a coûté la vie à plus de 1.500 civils, dont 312 enfants, selon l'Observatoire.
"Je me demande parfois pourquoi mes enfants ne peuvent pas aussi faire partie du monde libre? Pourquoi doivent-ils être opprimés comme ça?", lâche Mme Lynn, exhibant son passeport américain.
"Trump s'en moque"
Depuis le début de l'offensive, elle passe le plus clair de son temps terrée dans un sous-sol, comme l'immense majorité des habitants de la Ghouta.
"On passe nos jours et nos nuits dans les caves. Sauf quand c'est calme, on remonte et on essaye alors de cuisiner, on utilise la salle de bain", explique la maman, qui reçoit le correspondant de l'AFP dans son salon confortable.
Des canapés vert en bois clair s'alignent le long des murs. Les fenêtres sont quasiment toutes soigneusement calfeutrées. Deux petits, emmitouflés dans des pulls colorés, jouent au ballon à ses côtés.
"Je leur dis +aux Etats-Unis, vous pouvez jouer au soleil, grimper aux arbres en toute sécurité+. Mais en même temps c'est leur maison ici, c'est là où ils ont grandi, leur famille est là", poursuit-elle.
C'est aussi ce qu'elle répète à son frère inquiet, quand il l'appelle depuis les Etats-Unis pour prendre de ses nouvelles.
L'Américaine milite en documentant les violences en anglais sur Twitter, accompagnant ses tweets du hashtag #SaveGhouta, Sauvez la Ghouta.
Devant l'avancée des forces du régime, près de 70.000 civils ont fui ces derniers jours l'enclave. Ils n'ont pas d'autre choix que de rejoindre les zones contrôlées par le régime, malgré la crainte de représailles pour certains.
"Ils ne sont pas évacués mais chassés", dit l'Américaine en colère. "Les gens ont passé leur vie ici et aujourd'hui on vient les chasser, prendre leurs maisons!"
"C'est comme donner ses clés à une personne qui entre de force chez vous", résume-t-elle.
Elle dit avoir envoyé plusieurs messages au président américain Donald Trump. "Il devrait faire quelque chose, la Russie bloque les résolutions de l'ONU sur un cessez-le-feu", plaide-t-elle.
Mais dans l'état actuel des choses, elle ne se fait guerre d'illusions: "Je pense qu'il s'en moque".
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