"Il n'est plus tolérable que ces entreprises -- peu importe leur nationalité -- ne paient qu'un montant dérisoire d'impôt sur les sociétés en Europe", s'insurgent dans une tribune commune parue mardi dans le quotidien français Libération le ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire, et le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici.
M. Moscovici doit détailler mercredi la réforme proposée.
La taxation des géants du numérique, communément désignés sous l'appellation GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), est au menu jeudi soir du sommet européen des 28 chefs d'Etats et de gouvernement de l'UE à Bruxelles.
"C'est un dossier prioritaire et ce serait une réussite particulièrement symbolique si des mesures pour taxer les géants de l'internet étaient adoptées avant les élections européennes" de mai 2019, a commenté lundi une responsable à la Commission.
Dans un premier temps, l'exécutif européen préconise de taxer à 3% les revenus (et non les profits, comme le veut l'usage) générés par l'exploitation d'activités numériques, selon une source proche de la Commission.
Une idée déjà esquissée dans le programme électoral du président français Emmanuel Macron qui avait promis d'"imposer les grands groupes internet sur leur chiffre d'affaires réalisé en France".
Cette taxe ne visera que les groupes dont le chiffre d'affaires annuel mondial s'élève à plus de 750 millions d'euros et dont les revenus dans l'UE excèdent "plusieurs dizaines de millions d'euros".
En clair, les petites start-up européennes qui peinent déjà à rivaliser avec les mastodontes américains ne seront pas concernées par cet impôt indirect.
'Pas anti-américain'
Dans le collimateur de la Commission: les recettes publicitaires des groupes tirées des données de leurs utilisateurs -- le modèle de Facebook, Google ou Twitter -- ou les revenus provenant de la mise en relation d'internautes pour un service donné -- celui d'Airbnb ou Uber par exemple.
En revanche, les entreprises dont le modèle économique repose sur les abonnements, telle Netflix, ne seront pas touchées, ni celles qui gagnent de l'argent grâce au commerce électronique, de type Amazon.
Au total, entre 120 et 150 entreprises devraient être affectées par ce nouvel impôt: la moitié seront des américaines, un bon tiers européennes et le reste asiatiques, essentiellement chinoises, précise-t-on à la Commission. Cette taxe pourrait rapporter environ 5 milliards d'euros par an.
"Il ne s'agit en aucun cas d'une mesure anti-américaine", a assuré M. Moscovici, dans un entretien à l'AFP lundi.
Il n'empêche, vendredi dernier - avant même que Bruxelles ne dévoile ses projets - le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin avait lancé cette mise en garde aux Européens: "Les Etats-Unis s'opposent fermement aux propositions de quelque pays que ce soit de cibler les entreprises numériques" par une taxation spéciale.
Outre cette mesure "ciblée" de taxation du chiffre d'affaires des entreprises numériques, M. Moscovici doit proposer mercredi "une approche plus structurelle" qui prendra le relais de cette première proposition de "court terme".
Il s'agirait d'établir une norme européenne définissant la présence numérique des sociétés, pour mieux les imposer, à l'aide de trois critères: les revenus, le nombre d'utilisateurs et les contrats -- publicitaires par exemple -- signés avec une autre entreprise.
Pour la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni, les cinq membres du G20 appartenant à l'UE, les choses ne vont pas assez vite au niveau international. Ils poussent donc pour une solution d'abord européenne, afin de donner l'exemple au reste du monde.
Reste à savoir si ces grands pays de l'UE parviendront à convaincre les plus petits Etats tels que l'Irlande, les Pays-Bas, le Luxembourg, connus pour leur fiscalité bénéfique vis-à-vis des entreprises. Dans l'Union en effet, toute réforme sur la fiscalité requiert l'unanimité.
L'Irlande, qui a réussi à attirer le siège européen de Facebook grâce à ses taux d'imposition avantageux, ou le Luxembourg, pays d'accueil d'Amazon, plaident quant à eux pour privilégier une solution internationale, coordonnée par l'OCDE.
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