L'ex-chef de l'Etat est entendu par les policiers de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) à Nanterre, près de Paris, a indiqué à l'AFP une source proche de l'enquête, confirmant une information du Monde et de Mediapart.
Brice Hortefeux, un très proche de Nicolas Sarkozy qui fut ministre de l'Intérieur durant son quinquennat, est pour sa part entendu en audition libre, selon une source proche du dossier.
Cette nouvelle étape marque un coup d'accélérateur dans ce dossier tentaculaire instruit par des magistrats du pôle financier.
Les juges s'intéressent à des flux financiers impliquant des protagonistes liés au régime de l'ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi. D'anciens dignitaires de Tripoli et l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takkiedine ont évoqué la thèse de versements au profit de la campagne de Nicolas Sarkozy.
D'autres responsables de ce pays les ont démentis et l'ancien chef de l'Etat a toujours rejeté ces accusations.
L'affaire a éclaté en 2012 après la publication par Mediapart d'une note attribuée à Moussa Koussa, ex-chef des services de renseignements extérieurs de la Libye, laissant penser à un financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy.
Dans ce dossier, l'ex-secrétaire général de l'Élysée Claude Guéant a été mis en examen pour faux, usage de faux et blanchiment de fraude fiscale en bande organisée. Les magistrats s'interrogent sur un virement de 500.000 euros perçu par M. Guéant en mars 2008, en provenance d'une société d'un avocat malaisien. Il a affirmé qu'il s'agissait du fruit de la vente de deux tableaux.
trois valises avec 5 millions d'euros
L'enquête avait connu un revirement en novembre 2016 avec les déclarations à Mediapart de Ziad Takieddine, qui a assuré avoir remis à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur et à son directeur de cabinet Claude Guéant -qui ont farouchement démenti-, trois valises contenant 5 millions d'euros en provenance du régime Kadhafi, entre novembre 2006 et début 2007.
Les juges s'interrogent également sur la vente suspecte en 2009 d'une villa située à Mougins (Alpes-Maritimes), pour environ 10 millions d'euros, à un fonds libyen géré par Bachir Saleh, ancien argentier du régime.
Les enquêteurs soupçonnent l'homme d'affaires Alexandre Djouhri d'être le véritable propriétaire et vendeur de ce bien et de s'être entendu avec Bachir Saleh pour fixer un prix d'achat "très surévalué".
Actuellement en exil, M. Saleh, que la justice française souhaite interroger dans le cadre de cette affaire, a été blessé par balles fin février en Afrique du Sud. Il est visé par un mandat d'arrêt international.
Quant à Alexandre Djouhri, il a été arrêté en janvier à Londres en vertu d'un mandat d'arrêt européen émis par la justice française. Il avait été placé en détention provisoire, puis libéré après le paiement d'une caution avant d'être une nouvelle fois incarcéré fin février. Souffrant de problèmes cardiaques, il est hospitalisé depuis une dizaine de jours à Londres, selon une source proche de l'enquête.
Autre élément troublant mis en avant dans un rapport de l'OCLCIFF daté de septembre 2017: une importante circulation d'argent en espèces dans l'entourage de Nicolas Sarkozy lors de sa campagne de 2007 et l'usage très régulier d'argent en liquide par Claude Guéant.
Interrogés par les enquêteurs, Éric Woerth, trésorier de la campagne présidentielle, et son adjoint chargé de la distribution des enveloppes, Vincent Talvas, ont répondu que l'argent provenait de dons anonymes. Une justification contestée au cours d'autres auditions, dont celle de la personne chargée du courrier reçu à l'UMP durant cette campagne présidentielle, qui a déclaré n'avoir "jamais vu de courrier arrivant qui contenait des espèces".
Invitée à réagir sur le placement en garde à vue de Nicolas Sarkozy, Nadine Morano, qui a compté parmi les soutiens de l'ancien président, a estimé que ce dernier n'était "pas épargné". Elle a également appelé à la "prudence", rappelant que M. Sarkozy avait par le passé bénéficié de non-lieux.
Pour sa part, le Premier ministre Edouard Philippe a indiqué n'avoir "aucun commentaire à faire sur la procédure judiciaire".
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