En ouverture de la troisième semaine du procès du "tueur de la gare de Perpignan", cette jeune femme dont le prénom a été modifié à sa demande, a évoqué sa vie ravagée, apeurée par la proximité d'un accusé qui peine toujours à s'expliquer.
"Ca ne part pas, les peurs sont toujours là", a confessé la jeune femme vêtue de noir, évoquant par bribes sa vie qui a basculé il y a une vingtaine d'années. Elle a aussi exprimé son impossibilité d'en parler à ses proches.
"Je ne sortais plus de chez moi, j'ai arrêté mon stage, j'ai arrêté mes études, je me suis éloignée de ma famille, je n'ai plus de vie professionnelle", rapporte Nadia, très émue. Elle s'est mariée, est devenue mère mais n'a pu retrouver le cours normal de sa vie.
Le 1er septembre 1997, elle est la première victime de la série des crimes de la gare de Perpignan.
Le 20 décembre 1997, Moktaria Chaïb, 19 ans, est violée, tuée et mutilée. Le 9 mars 1998, Sabrina, 19 ans, est laissée pour morte après un coup de couteau à l'abdomen. Enfin, le 16 juin 1998, Marie-Hélène Gonzalez, qui avait été prise en autostop par Jacques Rançon, est violée, tuée et son corps est découpé. Uniquement des jeunes femmes brunes, aux cheveux noirs et bouclés, relève le président.
'Chasser et contraindre'
Nadia avait 17 ans et demi et sortait de son stage dans un restaurant du centre de Perpignan: "J'entendais des pas se rapprocher de plus en plus et, le temps que je réagisse, il était derrière moi, m'a attrapée et m'a basculée".
Il lui arrache violemment ses vêtements, lui dit "laisse moi te toucher, je ne te ferai rien, j'ai besoin de tendresse". Elle rassemble ses forces, le griffe au visage et arrive à s'extraire.
Elle doit finalement son salut à des témoins en voiture qui vont mettre en fuite Rançon qui était en train de la courser.
Cette histoire, sa mère ne l'apprendra que 17 ans plus tard, lorsqu'elle accompagne Nadia, en octobre 2014, à une convocation de la police. Rançon a été confondu par une trace ADN retrouvée sur une chaussure de Moktaria Chaïb.
L'experte psychologue Danielle Cany a confirmé, lundi après-midi, l'important traumatisme subi par les deux survivantes des sauvages agressions de Rançon, un être, selon-elle dénué "d'empathie et de culpabilité".
Pour Sabrina, qui avait témoigné jeudi, "le monde est devenu fou", explique la psychologue affirmant qu'elle a été victime "(d')un acte qui n'a pas de sens". La jeune femme "a été atteinte dans son image", Rançon lui a donné un coup de couteau dont elle garde une balafre de plus de 30 cm sur le ventre.
Pour Nadia, qui est arrivée à 15 ans en France avec "sa mère fuyant un père algérien violent", "l'agression a détruit toute la stabilité qu'elle avait construit." Depuis, "elle a toujours un sentiment d'insécurité", a rapporté Mme Cany.
Veste sombre et chemise jaune pâle, l'accusé consent à répondre aux questions du président sur les circonstances, et confirme le témoignage de Nadia. Mais, il reste muet sur ses motivations.
"Pourquoi cette agression?". "J'en sais rien", répond invariablement Rançon. A l'avocat général qui lui demande si "quatre jours" à peine après sa sortie de prison pour un viol, ça ne lui "fait pas peur d'agresser une femme à 400 m d'un commissariat?", Rançon lapidaire répond, "j'avais pas réfléchi".
Par monosyllabes, l'accusé confirme qu'il attaque des femmes par pulsion. Il lâche un "oui" lorsqu'on lui demande si cela répond à un "besoin sexuel".
Pourquoi a-t-il coupé la tête d'une des victimes et pourquoi l'a-t-il éviscérée?, questionne encore le président. Rançon s'enfonce dans un silence pesant.
Alors le magistrat parle à sa place : "Chasser, contraindre, être excité par la soumission, accomplir l'acte sexuel et puis ce geste ultime qui consiste à tuer et à dépecer, n'est-ce pas l'ensemble que vous recherchez c'est un tout?".
Rançon claque un "oui" bref et sonore, son regard semble ailleurs, comme s'il voulait simplement stopper la longue litanie du magistrat en robe rouge.
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