Très attendu, ce deuxième plan, qui couvre la période 2018-2020, fait suite à un premier dispositif lancé dans un contexte de flambée des actes antisémites et antimusulmans après les attentats de 2015. Il a été présenté en présence de huit membres du gouvernement au Musée national de l'histoire de l'immigration à Paris.
Certes, le nombre de faits haineux a reculé en 2017 pour la deuxième année consécutive (-16%). Mais cette baisse globale masque mal l'augmentation du nombre d'actions violentes. Et "les statistiques ne rendent pas compte du déferlement de haine qui s'exprime de manière quotidienne sur internet", écrit le Premier ministre en préambule de ce plan national.
La lutte contre la cyberhaine constitue donc logiquement le premier et principal volet du dispositif. S'il entend "proposer une initiative législative européenne pour imposer un retrait plus rapide des contenus illicites et renforcer le régime de responsabilité des opérateurs", le gouvernement va aussi modifier "sans attendre" la loi française.
Une mission confiée à l'enseignant franco-algérien Karim Amellal, à la députée LREM Laetitia Avia et au vice-président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) Gil Taïeb planchera sur ces modifications législatives. Avec en tête l'exemple de l'Allemagne, qui menace d'amendes pouvant aller jusqu'à 50 millions d'euros les grands réseaux sociaux s'ils ne retirent pas sous 24 heures les propos haineux.
"On ne me fera jamais croire que les réseaux sociaux seraient des espaces hors-sol. Pour moi, tout ce qui est publié et diffusé en France, est publié et diffusé en France. Et doit donc répondre aux lois de la République", a souligné Edouard Philippe dans son discours. "Ce qui m'énerve, c'est que de nos jours, il semble plus facile de retirer la vidéo pirate d'un match de foot que des propos antisémites", a-t-il insisté.
Parmi les autres pistes envisagées figure la "fermeture des comptes ayant diffusé de manière massive et répétée" des messages de haine. L'exécutif veut également "permettre l'enquête sous pseudonyme": en s'invitant dans des espaces de discussion en ligne, les cyberenquêteurs pourront plus facilement identifier les auteurs de propos haineux. Cette mesure sera incluse dans le projet de loi sur la justice qui doit être présenté en Conseil des ministres le 18 avril.
Formation accrue
La lutte contre la cyberhaine ayant besoin de moyens supplémentaires, le gouvernement prévoit de renforcer les effectifs de la plateforme de signalement de contenus illicites PHAROS. De même, des personnes condamnées à des travaux d'intérêt général pourraient être affectées, dans des associations, à des tâches de modération et de signalement de propos haineux.
Pour mieux prendre en compte les victimes et réduire le "chiffre noir" - phénomène selon lequel beaucoup d'actes racistes ne sont pas déclarés -, l'Etat va expérimenter dès septembre la création d'un réseau d'enquêteurs et de magistrats spécifiquement formés à la lutte contre la haine.
L'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) étudiera la possibilité de permettre à un plaignant de qualifier lui-même le mobile raciste ou antisémite de son agression, comme c'est le cas au Royaume-Uni.
En outre, une expérimentation visant à étendre le champ d'application de la pré-plainte en ligne aux discriminations et aux infractions de provocation à la discrimination, diffamation et injure racistes sera lancé à la fin de ce premier semestre.
Dans son volet éducatif, le plan prévoit la création d'une "équipe nationale d'intervention rapide" chargée "d'épauler les enseignants" à des situations conflictuelles. Plus généralement, le gouvernement promet de renforcer la formation de "l'ensemble des personnels" de l'éducation.
Ce plan national bénéficiera de "moyens sanctuarisés" par rapport au précédent, selon Edouard Philippe. Problème, relevé par les missions d'inspection de l'Etat: seuls 40 millions d'euros, sur les 100 annoncés en 2015 pour le premier plan, ont pu être identifiés.
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