Serait-ce le rendez-vous qui manquait à la Ville éternelle? "Rome est l'unique grande capitale européenne qui n'a pas un spectacle permanent parlant de son histoire", s'étonne l'Italien Marco Balich, directeur artistique de "Giudizio universale" (Jugement dernier).
Ce concepteur de spectacles à grande échelle, comme les cérémonies des JO de Turin ou de Rio, a dévoilé jeudi soir sa première création dans un auditorium, sur l'avenue menant à la basilique Saint-Pierre et sa célébrissime chapelle Sixtine, visitée chaque jour au pas de course par 20.000 touristes.
La scène, les murs et le plafond du théâtre ont été dotés de toiles permettant de projeter les photographies haute définition fournies par les Musées du Vatican (en échange de royalties). Objectif: éprouver la sensation d'être assis au beau milieu de la chapelle avec une vision à 270 degrés.
Devant un gros plan d'une fresque de l'arbre du Jardin d'Eden, Adam et Eve dansent alors qu'une végétation luxuriante grimpe des murs latéraux au plafond. L'arche de Noé part dans la tempête, tandis que le déluge balaie les artistes sur scène...
"Nous avons essayé d'appliquer notre langage olympique technologique à un monument de l'Humanité", explique Marco Balich.
Au commencement, des blocs de marbre glissent mystérieusement sur la scène jusqu'à l'apparition d'un acteur incarnant Michel-Ange, tournoyant autour d'une masse brute: "tout est là-dedans... je cherche la beauté, la beauté est tout, elle est mon obsession" retentit sa voix off. De ce monolithe va surgir une statue.
Au fil de cette genèse, on croise le pape Sixte IV (1471-1484), qui restaure une ancienne chapelle médiévale et lui donnera son nom ... Il a fait appel aux grands artistes de son temps comme Le Pérugin, Botticelli ou Ghirlandaio pour les tableaux bibliques des parois latérales.
Nous sommes en 1508 et le Florentin Michel-Ange est appelé à 30 ans, à Rome, pour le plafond de cet espace monumental, à la demande du pape Jules II (1503-1513).
Il se considère comme un sculpteur et commente la folie de réaliser 1.000 mètres carrés de plafond (500 jours de travail) sans connaître les techniques des fresques.
Trente ans plus tard, il sera sollicité par un autre pape mécène, Clément VII (1523-1534), pour son chef d'oeuvre, la fresque murale du Jugement dernier.
Séduire les jeunes
"Je veux parler aux jeunes générations pour qu'elles comprennent que la beauté et l'art sont des valeurs importantes pour prendre conscience de ses propres racines", dit le créateur.
"Soixante minutes, c'est la durée d'attention des jeunes générations, si on raconte bien on peut les rendre curieux". Des séances matinales sont programmées pour les scolaires.
Le spectacle ne livre donc pas une vision exhaustive de toutes les peintures. Mais en bouquet final retentit un prélude mystique chanté en latin par le star pop Sting.
Le tout est accompagné par 16 minutes de voix off, commentaire qui a eu le blanc seing du Vatican. Didactique, empreint de spiritualité, le texte ne verse jamais dans la légèreté.
Le modèle du spectacle s'oppose à la comédie musicale anglo-saxonne parachutée, mais devra être adoubé par les Romains "réputés pour leur cynisme", admet Balich.
Il balaie toute comparaison avec l'échec l'été dernier de l'ambitieux opéra rock "Divo Nerone", financé par de l'argent public. Une scène monumentale avait été installée sur le Mont Palatin qui jouxte le Colisée, mais le spectacle avait dû rapidement fermer sous le feu d'impitoyables critiques, de polémiques et d'une interdiction municipale.
Le producteur préfère se référer aux deux spectacles didactiques son et lumière très réussis proposés l'été dernier au milieu des ruines des forums des empereurs romains avec des effets spéciaux soignés.
"Jugement dernier - Michel-Ange et les secrets de la chapelle Sixtine" (deux ans et demi de travail, 9 millions d'euros de financements privés) ambitionne de devenir une attraction durable en cas de réussite.
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