Elle est tombée "dans la marmite des sports mécaniques sans explication". "A l'adolescence, je me suis dit: +il faut que je devienne pilote, DJ et femme+", raconte Romane Didier, 48 ans, désormais à la tête de l'agence de communication "future-racing".
Privée d'argent de poche par sa mère enseignante et son père cadre dans la sidérurgie, elle animait des soirées les vendredi et samedi autour de Paris pour payer ses courses. "Je dépensais mes 500 francs en pneumatiques et le dimanche, avec les copains, on transformait ma 4L en kart", confie l'ancienne pilote, originaire du Val-d'Oise.
Bac et BTS en poche, la Francilienne poursuit la compétition sur les circuits européens pendant une dizaine d'années. Son emploi de commerciale à la Caisse des dépôts et consignations lui permet de financer sa coûteuse passion, qu'elle transmet aussi à sa fratrie.
A son palmarès, Romane Didier compte une victoire aux 24 Heures du Mans Karting en 1990, des podiums aux Championnats de France de Superkart et cinq années en Formule Ford. "J'ai eu quelques bons résultats, une petite fierté, mais je n'avais pas assez de talent ni d'argent pour poursuivre", reconnaît l'attachée de presse.
La perte de son emploi et la fin de sa carrière de pilote constituent "un moment charnière".
A 31 ans, elle décide de reprendre ses études en "tant que femme". Son entourage "tique" mais ne la rejette pas. "Je me suis créé une carapace", glisse la communicante du haut de son mètre quatre-vingt-sept.
A l'université Paris-Assas, elle se fait "attaquer par des étudiants en droit qui ne supportaient pas des gens hors de la norme". Pour clouer le bec à ses détracteurs, l'étudiante met un point d'honneur à ne porter "que des jupes et des robes, même pendant les soutenances !"
Romane est solidaire des combats LGBT mais n'est pas pour autant militante. La course, rien que la course. "Le frisson de la vitesse". Elle roule de temps à autre en catégorie loisirs. Dans son garage, quatre karts sont jalousement entreposés, dont un appartenait à l'ancien pilote italien Jarno Trulli.
'Domination masculine'
A la fin de ses études, son master en Management Financier et sa mention ne suffisent pas à lui obtenir un travail, "une mission impossible". "Je n'avais plus le choix que de monter mon propre business", dit-elle.
Ses articles sur Kartmag, le magazine du karting, et le bouche-à-oreille vont rapidement remplir son agenda. Avec son expertise, son franc-parler et son carnet d'adresses, elle a su s'imposer dans les paddocks. Parents, sponsors, écuries, journalistes lui prêtent une oreille attentive.
Début mars, sur le circuit international de karting du Mans, brushing impeccable et robe élégante, Romane prend des notes, photos, vidéos de la course d'un de ses protégés. Au quotidien, elle assure la visibilité d'une trentaine de jeunes pilotes automobiles rêvant du Graal qu'est la F1.
"Cela fait presque 20 ans que je la vois sur les circuits. Je l'ai connu homme puis femme, elle est douée, elle a sa réputation", confie un journaliste spécialisé dans les sports mécaniques.
Cette "réputation", Romane n'est pas dupe, elle la doit surtout à son passé d'homme. "Je ne suis pas discriminée en tant que femme, constate-t-elle. Quand on est transgenre, parfois les gens préfèrent se rappeler qu'avant on était un homme. C'est puissant la domination masculine."
Selon elle, le nombre de femmes dans les sports mécaniques reste marginal, même si Romane observe "une progression".
Pour l'ancienne pilote, l'essentiel est de "casser l'image de femme-objet véhiculée dans le sport auto". "Lorsque des petites filles voient à la TV que les femmes remettent des prix, portent des panneaux ou apportent le champagne, elles pensent que c'est leur rôle dans le sport".
Ca tombe bien, la F1 a décidé de rompre cette année avec la tradition des "grid girls".
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