Marielle Franco, 38 ans, qui a grandi dans une favela de Rio, était un symbole de la lutte des femmes noires brésiliennes contre le racisme et la violence policière.
Élue du Parti socialisme et liberté (PSOL), elle a été abattue mercredi soir, en plein centre-ville. La voiture dans laquelle elle se trouvait a été criblée de balles alors qu'elle revenait d'un rassemblement pour la promotion des femmes noires. Le chauffeur du véhicule a lui aussi été tué.
Lors de la veillée funèbre, en début d'après-midi, au siège du conseil municipal, les deux cercueils ont fendu la foule, formant une poignante haie d'honneur.
Le passage des dépouilles mortelles a été applaudi par les milliers de personnes présentes sur la place centrale de Cinelandia.
De nombreuses personnes pleuraient et certaines scandaient des slogans contre la violence policière et le gouvernement conservateur du président Michel Temer.
"Les tirs qui ont atteint Marielle Franco, ont aussi atteint la démocratie. Ils ont atteint les rêves des femmes noires de vivre avec dignité dans ce pays qui historiquement ignore les pauvres", a affirmé à l'AFP Antonio Carlos Costa, président de l'ONG Rio de Paz, qui tenait une affiche "Qui a tué Marielle Franco").
L'assassinat de la conseillère a aussi suscité une pluie de réactions sur les réseaux sociaux, étant le sujet le plus commenté sur Twitter, avec des messages de personnalités comme le célèbre chanteur brésilien Caetano Veloso, qui a publié une vidéo de lui entonnant le titre "Estou triste" (je suis triste).
'Exécution ciblée'
Le président Michel Temer a qualifié cet assassinat "d'inadmissible", évoquant un "attentat à la démocratie et à l'Etat de droit", à l'issue d'une réunion avec plusieurs ministres à Brasilia.
L'antenne brésilienne de l'ONU a fait part de sa "consternation", soulignant que Marielle Franco était "une des principales voix en défense des droits de l'homme" à Rio.
Amnesty International a réclamé "une enquête immédiate et rigoureuse", afin "qu'il n'y ait aucun doute sur le contexte, la motivation et les auteurs" de l'assassinat de la conseillère municipale.
"Tout indique qu'il s'agit d'une exécution ciblée, mais nous espérons qu'une enquête approfondie nous apportera les éléments nécessaires pour comprendre ce qu'il s'est réellement passé", a affirmé à l'AFP Glauber Rocha, député du PSOL, présent lors du rassemblement devant le siège du Conseil Municipal de Rio.
Marielle Franco avait dénoncé ces dernières semaines un accroissement de la violence policière dans les favelas, quartiers populaires où vit un quart de la population de Rio et où les autorités mènent une guerre sans merci contre le trafic de drogue.
Elle a elle-même grandi dans la favela de Maré, une des plus violentes de la ville, située à proximité de l'aéroport international.
Temer accusé de récupération
La conseillère municipale avait notamment critiqué sur les réseaux sociaux des opérations musclées des forces de l'ordre à Acari, quartier du nord de Rio où une collégienne de 13 ans a été victime d'une balle perdue dans son école il y a un an.
Les policiers "terrorisent les habitants d'Acari (...) Cela a empiré depuis l'intervention des militaires", avait-elle écrit samedi dernier.
Marielle Franco faisait référence à la décision du président Temer de confier en février à l'armée la sécurité de Rio pour tenter de contenir l'escalade de la violence qui ne cesse d'augmenter depuis la fin des jeux Olympiques de 2016.
Il y a deux semaines, elle avait été désignée rapporteur d'une commission créée par le Conseil municipal pour surveiller d'éventuels abus des militaires.
Dans son discours de jeudi, M. Temer a affirmé que le décret avait été pris "justement pour en finir avec le grand banditisme qui s'est installé à Rio", une allusion fortement critiquée par le PSOL.
"Nous ne pouvons pas accepter que Temer utilise cet épisode pour justifier l'intervention militaire", a affirmé Juliano Medeiros, président du parti, dans un entretien au site du magazine de gauche CartaCapital.
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