La progression des forces turques et de leurs alliés dans le nord-ouest de la Syrie suscite les craintes d'un nouveau drame humanitaire, comme celui que subit la partie rebelle de la Ghouta orientale, près de Damas.
L'armée turque a dit avoir achevé l'encerclement de la ville d'Afrine, principal objectif de l'offensive qu'elle a lancée le 20 janvier contre les Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde qu'elle veut chasser de sa frontière.
Un porte-parole des YPG, Birusk Hasakeh, présent dans Afrine, a nié que la ville soit entièrement assiégée, mais a déclaré que le dernier accès permettant d'en sortir était la cible de violents bombardements. "Nous sommes prêts pour un long combat. Nous allons résister", a-t-il déclaré à l'AFP.
Selon une ONG, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Ankara chercherait à pousser les civils à partir pour "clore l'opération le plus tôt possible".
Les forces turques et leurs alliés envisagent de maintenir ouverte une "voie de sortie" de la ville pour les civils, selon Abou Jaafar, un de leurs commandants.
"Nous allons permettre aux civils (...) de partir pour le cas où les combattants (kurdes) décident de rester dans les villages, les quartiers ou les immeubles dans Afrine", a-t-il dit à l'AFP.
Plus de 200 civils ont déjà été tués depuis le début le 20 janvier de l'opération turque, selon l'OSDH.
Observateurs et ONG se disent inquiets face à l'éventualité d'un assaut sur la ville qui compte quelque 350.000 habitants. Lundi, des centaines d'entre eux ont déjà fui, craignant un blocus ou un assaut imminent, selon l'OSDH.
Les Nations Unies ont déclaré mardi que l'avancée des forces turques ces dernières 48 heures avait "exacerbé" la dégradation de la situation humanitaire.
"Dans la ville d'Afrine et dans les localités environnantes, la situation des habitants est préoccupante", a averti l'OCHA, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU.
"Si le souci de la frontière est légitime pour la Turquie (...), cela ne justifie absolument pas l'action en profondeur des troupes turques sur la zone d'Afrine", a affirmé le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian.
Evacuations de la Ghouta
Dans la Ghouta orientale, sur un autre front de la guerre en Syrie, 16 civils ont péri mardi sous les bombardements du régime.
L'offensive aérienne et terrestre des troupes loyalistes dans le dernier fief rebelle aux portes de Damas, assiégé depuis 2013, a tué 1.196 civils, dont 245 enfants, et blessé plus de 4.640 autres depuis le 18 février, d'après l'OSDH.
Selon l'agence de presse officielle syrienne Sana, des tirs de roquettes effectués mardi par des rebelles dans la Ghouta orientale ont fait un mort et six blessés à Damas.
Des dizaines de civils, y compris des "cas médicaux", ont pu être évacués mardi de l'enclave rebelle, selon des sources concordantes, au lendemain de l'annonce par l'ONU qu'un millier de personnes avaient besoin d'une évacuation d'urgence.
Une source militaire syrienne a indiqué à l'AFP que 44 femmes, 78 enfants et 24 hommes avaient été évacués.
Selon l'OSDH, ces évacuations ont eu lieu depuis les villes de Douma et Rihane, sous contrôle de Jaïch al-Islam, un des deux principaux groupes rebelles de la Ghouta. Ce groupe avait fait état lundi d'un accord négocié "par l'intermédiaire de l'ONU avec la Russie (...) pour évacuer les blessés en plusieurs étapes".
'Monstrueuse indifférence'
Au point de passage d'Al-Wafidine, entre Damas et la Ghouta, une journaliste de l'AFP a pu voir un groupe de femmes et d'enfants en tenue d'hiver ainsi que des vieillards patientant, assis, sur des chaises en plastique.
Ils attendaient leur transfert vers des centres d'accueil dans le secteur d'Al-Doueir, aux mains du régime, d'après la même source.
Au sud de Damas, l'armée syrienne a par ailleurs procédé à l'évacuation de plusieurs centaines de combattants islamistes du district de Qadam, pour les conduire en territoire rebelle dans le nord-ouest de la Syrie, selon l'OSDH.
Un correspondant de l'AFP a vu l'arrivée d'environ 300 combattants et leurs familles à Qalaat al-Madiq, dans la province de Hama.
Alors que le conflit entrera jeudi dans sa huitième année, une responsable de l'ONU a dénoncé mardi devant le conseil des droits de l'Homme à Genève une "monstrueuse indifférence" à l'égard des souffrances de millions d'enfants en Syrie.
Kate Gilmore a en particulier exprimé son inquiétude pour les quelque 125.000 enfants du fief rebelle dans la Ghouta orientale, "dont beaucoup souffrent de malnutrition grave" et qui sont pour la plupart "profondément traumatisés".
Le bilan de la guerre en Syrie s'élève à plus de 350.000 morts, d'après l'OSDH.
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