"Pour mettre fin à toutes les polémiques et faire cesser les pressions sur les organisateurs, j'ai décidé de retirer notre projet de tous les festivals d'été", a déclaré lundi l'ex-leader de Noir Désir âgé de 54 ans, dans un communiqué transmis à l'AFP.
Les protestations provenant de toutes parts, politiques, collectifs féministes, anonymes sur les réseaux sociaux, se faisaient de plus en plus vives depuis le retour sur scène de Cantat, qui a débuté le 1er mars à La Rochelle une tournée pour défendre son premier album solo, "Amor Fati" paru le 1er décembre.
Cette annonce est survenue quelques heures avant la diffusion d'une interview dans l'émission "Stupéfiant" sur France 2 de la mère de Marie Trintignant, Nadine Trintignant, dans lequel elle exprime son indignation de voir Cantat pouvoir se produire sur scène.
"Comment se fait-il, qu'un homme, alors qu'on sait qu'il a tué… Ça n'est pas un mystère. Comment ose-t-il ? Je trouve honteux, indécent, dégueulasse, qu'il aille sur scène", a-t-elle déclaré.
Selon la réalisatrice, le retour de Cantat est impossible "parce qu'il a tué ! Tout simplement". "S'il veut se réaliser en tant qu'artiste, il peut écrire pour des chanteurs qui eux n'ont pas tué. Il va se faire applaudir après avoir tué ? Est-ce que ça a déjà existé ? Moi j'ai cherché. Je suis remontée jusqu'au Moyen-Age. J'ai cherché si un tueur était venu sur une scène pour se faire applaudir. Ça n'a pas existé".
Les concerts de la tournée de Cantat sont maintenus, jusqu'à ceux prévus à l'Olympia les 29 et 30 mai.
Lundi soir, le chanteur de rock se produisait au Rockstore à Montpellier, où une soixantaine de militants pour les droits des femmes a interpellé avec véhémence la file de spectateurs se pressant à l'entrée de la salle.
Les manifestants, derrière des barrières, criaient à l'attention des spectateurs, à deux ou trois mètres de distance: "Vous n'avez pas honte?", ou encore: "Vous êtes complices!". Les fans du chanteur n'ont pas répondu, sauf à travers l'envoi de quelques baisers ironiques. Ou une fan, un peu agacée: "Vous nous faites chier, on a envie d'écouter de la musique ce soir."
"Ma femme ne m'a pas accompagné ce soir, car ça la dérange trop", a glissé un spectateur à l'AFP. Une retraitée de 75 ans, venue manifester contre le concert, a confié "être en conflit avec [s]on petit-fils de 24 ans, qui, lui, va voir des concerts de Cantat".
Tournée maintenue
Les concerts déjà assurés depuis le début du mois n'ont pas été contestés par les municipalités-hôtes, contrairement à sa présence annoncée ces dernières semaines dans plusieurs festivals estivaux.
Suffisamment pour que deux d'entre-eux décident de le déprogrammer: "Les Escales" à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) dont le maire PS, David Samzun, avait exprimé sa "désapprobation" dans une lettre aux organisateurs, et l'Ardèche Luna Festival en raison de "manifestations et désistements de certains festivaliers et mécènes".
Une pétition réunissant plus de 74.000 signatures réclamait par ailleurs la déprogrammation de l'artiste dans la Manche au festival les Papillons de nuit.
Le conseil départemental de ce département avait même retiré sa subvention à l'événement. Mais les organisateurs avaient maintenu la programmation incluant Cantat, considérant "que les institutions politiques, quelles qu'elles soient, n'ont pas de droit d'ingérence dans ses choix artistiques".
La semaine passée, la ministre de la Culture Françoise Nyssen avait estimé que les organisateurs des festivals concernés devaient "prendre leurs responsabilités".
Le retour au premier plan de Cantat avait une première fois soulevé la polémique en octobre, lorsqu'il avait fait la Une des Inrocks auxquels il accordait une interview, avant la sortie d'"Amor Fati". L'affaire Weinstein a contribué à alimenter cette polémique.
Libéré en 2007 de la prison de Muret (près de Toulouse), Bertrand Cantat a purgé plus de la moitié de sa peine après avoir été condamné à huit ans de prison par la justice pour les coups mortels portés en 2003 à sa compagne d'alors, Marie Trintignant.
En 2013, il avait effectué un premier retour dans la musique avec le groupe Détroit, sortant un album et effectuant des concerts sans devoir faire face à de grosses contestations. A une époque où l'affaire Weinstein n'avait pas encore éclaté et où la parole des femmes ne s'était pas autant libérée.
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