Le 12 mars 1938, à l'aube, Adolf Hitler faisait envahir l'Autriche, son pays de naissance, par 200.000 soldats, SS et policiers, proclamant dans la foulée l'annexion ("Anschluss") du territoire au IIIe Reich.
Une "journée du souvenir" est organisée lundi par les autorités autrichiennes autour de ces événements qui ont bouleversé la trajectoire du pays et constitué un prélude à la Seconde guerre mondiale.
Le président Alexander Van der Bellen, qui présidera ces commémorations, a appelé "les jeunes générations" à "ne pas se laisser entraîner" par les idées extrémistes.
"Ne prenez pas comme allant de soi un vivre ensemble pacifique et des rapports politiques apaisés (...) Ces choses peuvent changer", a-t-il dit dimanche au quotidien Kurier.
"Faites particulièrement attention à la façon dont vous traitez les minorités", a encore recommandé cet écologiste libéral, élu fin 2016 au terme d'un duel à suspense avec un candidat du parti d'extrême droite FPÖ.
Pangermanisme
Le président a lancé plusieurs appels à la vigilance et à la tolérance depuis l'entrée en fonction, en décembre, d'un gouvernement de coalition entre les conservateurs du chancelier Sebastian Kurz et le FPÖ du vice-chancelier Heinz-Christian Strache.
Le FPÖ, qui compte d'anciens nazis parmi ses fondateurs, fait figure d'aîné parmi les formations de droite souverainiste et anti-immigration qui ont le vent en poupe dans l'Union européenne.
Depuis leur entrée au gouvernement, les dirigeants de ce parti ont proclamé à plusieurs reprises leur rejet du nazisme, du racisme et de l'antisémitisme. Le FPÖ a également exprimé son adhésion à "la République d'Autriche, la démocratie, le parlementarisme et l'Etat de droit".
La position de cette formation concernant le statut de l'Etat autrichien a longtemps été ambiguë, imprégnée d'un courant pangermaniste entretenant le culte d'une grande Allemagne.
Le gouvernement a annoncé dimanche son intention d'édifier à Vienne un monument nommant les 66.000 victimes autrichiennes de l'Holocauste.
M. Strache, à cette occasion, a souligné que la mémoire du génocide juif était "un devoir constant".
Depuis son arrivée au pouvoir, le parti a été impliqué dans plusieurs polémiques embarrassantes sur son rapport à l'histoire de l'Autriche, à l'image de ce responsable régional obligé de démissionner en janvier après la découverte d'un corpus de chants pronazis au sein d'une corporation pangermaniste dont il était un dirigeant.
Si M. Strache s'est efforcé de lisser l'image de son parti, de nombreux incidents ont jalonné l'histoire récente du FPÖ, comme ce cadre, actuellement député, ayant déclaré en 2006 à la télévision, que le "national-socialisme avait aussi eu ses bons côtés".
"Tout était prêt"
De nombreuses manifestations sont organisées pour les 80 ans de "l'Anschluss" autour des témoins de l'époque et de débats portant sur les responsabilités de l'Autriche et des Autrichiens dans la prise de pouvoir d'Hitler. Ces réflexions ont été largement occultées, jusqu'à la fin des années 80, par le statut de victime des nazis que les alliés avaient officiellement reconnu au pays. Ce déni a retardé en Autriche le travail d'introspection douloureux qu'a mené l'Allemagne.
Dès 1933, les conservateurs autrichiens avaient ouvert la voie au nazisme: après avoir mis fin à la démocratie parlementaire, ils ont écrasé dans le sang en 1934 le soulèvement des sociaux-démocrates et instauré un régime de parti unique. Dans un pays en pleine crise d'identité après la dislocation, en 1918, de l'empire autro-hongrois, et en plein marasme économique, l'antisémitisme a prospéré dès les années 1920.
"Tout était déjà prêt depuis longtemps quand les nazis sont arrivés", a témoigné, lors d'un colloque, Kitty Suschny, qui avait 13 ans en 1938. Elle se souvient que, du jour au lendemain, le parc du château impérial de Schönbrunn "a été interdit +aux chiens et aux juifs+".
Le 15 mars 1938, une foule euphorique accueillait Hitler à Vienne. Une installation artistique sera inaugurée lundi sur les lieux où le dictateur prononça son premier discours après l'annexion du pays.
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