"Nous voulons inscrire dans (le) marbre le principe que l'entreprise n'est pas seulement au service de ses actionnaires mais qu'elle doit être attentive aux enjeux sociaux et environnementaux de son activité", a déclaré jeudi à des journalistes le président de Michelin, Jean-Dominique Senard, co-auteur de ce texte avec l'ancienne dirigeante de la CFDT Nicole Notat.
Mme Notat et M. Senard, mandatés par l'exécutif pour plancher sur "l'entreprise et l'intérêt général", ont auditionné pendant trois mois "plus de 200 personnes (...) de tout bord", patrons, juristes, organisations professionnelles et associations entre autres, a souligné pour sa part l'ex-patronne de la centrale syndicale.
"Beaucoup nous ont dit qu'il y avait une urgence à remettre l'image de l'entreprise au bon niveau, considérant qu'elle était aujourd'hui dépréciée", a remarqué Mme Notat. Et des dirigeants d'entreprises ont aussi émis, selon elle, le souhait d'être "moins soumis aux pratiques très court-termistes de leurs actionnaires".
Dans ce contexte, "il était important que le droit ne soit pas décalé par rapport (...) à la réalité des choses", a plaidé M. Senard, chantre d'un "capitalisme empreint d'humanisme".
Parmi les notions que les co-auteurs proposent d'intégrer au code civil, rédigé à l'époque napoléonienne, figurent les "enjeux sociaux et environnementaux", l'"intérêt propre" de la société, nuance de taille avec celui des actionnaires, et la "raison d'être" de l'entreprise, a détaillé M. Senard.
Ainsi de l'article 1833 du code, disposant que "toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés". Il serait amendé ainsi: "la société doit être gérée dans son intérêt propre, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité".
Ce sera aux conseils d'administration de traduire ces dispositions dans les statuts, a précisé Mme Notat. Pour ce faire, le rapport préconise de faire aussi évoluer le code du commerce pour y introduire la "raison d'être" de l'entreprise.
Cette notion, "inusitée en droit", a reconnu M. Senard, va au-delà de l'objet social: "c'est ce qui donne de la perspective" à l'entreprise et définit sa stratégie. Pour Mme Notat, il s'agit de permettre à l'entreprise de "concevoir son action dans le moyen et long terme".
Les auteurs proposent en outre, toujours dans l'idée de prendre en compte le "temps long", de renforcer la présence des salariés dans les conseils d'administration, une revendication de la CFDT.
Ils souhaitent enfin voir les critères sociaux et environnementaux entrer dans le calcul de la part variable de la rémunération des dirigeants d'entreprise.
Le rapport de 115 pages formule une dizaine de propositions au total. Il doit être rendu vendredi aux ministres de l'Economie Bruno Le Maire, de la Transition Ecologique Nicolas Hulot et du Travail Muriel Pénicaud.
Même si M. Senard et Mme Notat ont fait part de leur optimisme jeudi quant à l'idée de voir le gouvernement reprendre leurs pistes à son compte, le toilettage de l'objet social des entreprises ne fait pas l'unanimité. Le président du Medef, Pierre Gattaz, a notamment mis en garde contre l'ouverture d'une "boîte de Pandore".
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