Le 33e dîner du Crif est le premier de l'actuel locataire de l'Elysée en tant que chef de l'Etat, après sa venue l'an dernier comme candidat à la présidentielle.
L'organe de représentation politique de la communauté juive organisée a vu les choses en grand: l'événement a été déplacé au Carrousel du Louvre. Plus spacieux, le lieu a aussi été choisi en "petit clin d'oeil au président de la République", a confié à l'AFP le président du Crif, Francis Kalifat. C'est devant la pyramide du Louvre qu'Emmanuel Macron avait tenu son premier discours de président élu.
Un millier d'invités devaient participer à ce dîner, qui s'est installé comme un rendez-vous sans équivalent dans l'agenda public par son pouvoir d'attraction de responsables politiques (ministres en nombre, parlementaires...), ambassadeurs, dignitaires religieux, chefs d'entreprises, leaders syndicaux ou personnalités des médias.
Parmi les personnalités réunies figurent l'ancien président François Hollande, l'ex-Premier ministre Manuel Valls et une quinzaine de membres de l'actuel gouvernement, dont le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer et le porte-parole Benjamin Griveaux.
Les époux Beate et Serge Klarsfeld, militants de la mémoire de la Shoah, ou encore Riss, directeur de Charlie Hebdo, étaient également présents.
"C'est un dîner républicain qui est l'occasion d'un échange franc et direct avec les autorités de notre pays", a indiqué Francis Kalifat, fier d'y réunir "l'échiquier politique dans sa totalité, à l'exception des extrêmes".
Une nouvelle fois, aucun représentant du Front national ni de la France insoumise ne va s'asseoir à la table du Crif, en retour taxé de "communautarisme" à l'extrême droite comme à la gauche de la gauche.
Même si le nombre de faits antisémites a de nouveau reculé en 2017, le niveau toujours préoccupant de la haine antijuive sera au coeur de la soirée. Car cette baisse globale masque mal l'augmentation du nombre d'actions violentes. Et la première minorité juive d'Europe (un demi-million de personnes) est particulièrement frappée: elle est la cible d'un tiers des actes haineux recensés en France, alors qu'elle représente moins de 1% de la population.
Observatoire de la cyberhaine
Le Crif s'inquiète de la diffusion d'un "antisémitisme islamiste" dans les quartiers populaires. Francis Kalifat va attirer l'attention du chef de l'Etat sur cet "antisémitisme du quotidien" qui, "à force de petits actes qui se multiplient, rend la vie impossible à ceux qui vivent dans des quartiers difficiles".
Or, déplore le président du Crif, "les juges n'arrivent pas encore à reconnaître cette délinquance antisémite". Dernier exemple en date selon le dirigeant communautaire: l'agression d'un jeune juif à la sortie de la synagogue de Montmagny (Val-d'Oise) par quatre jeunes, pour laquelle le juge des enfants n'a pas retenu la circonstance aggravante de l'antisémitisme.
Les autorités juives s'inquiètent aussi du poids de la cyberhaine.
"Une grande partie de l'antisémitisme véhiculé à travers internet n'est pas prise en compte dans les chiffres", regrette Francis Kalifat. D'où son idée d'installer un observatoire de la cyberhaine qui va s'intéresser à l'antisémitisme sur la Toile avant d'étendre son objet au racisme, aux actes antimusulmans et "à tous ceux qui haïssent la France".
Le gouvernement travaille pour sa part à un second plan triennal de lutte contre le racisme et l'antisémitisme (2018-2020), qui fera une large part à la haine sur les réseaux sociaux.
Enfin, "l'affaire Céline" s'est invitée au dîner, après qu'Antoine Gallimard a fait savoir qu'il n'avait en fait "pas renoncé" à rééditer les pamphlets antisémites de l'écrivain.
"Il n'y a aucun intérêt aujourd'hui, sauf à vouloir alimenter un peu plus la haine antisémite dans notre pays, à rééditer ces pamphlets", a redit Francis Kalifat. Une étude critique du Crif sur l'écrivain va d'ailleurs être distribuée lors du dîner.
Pour le responsable communautaire, il ne suffit pas de lutter contre l'antisémitisme dans les quartiers populaires, le "plus actif". Il convient d'"être vigilant" face à "cet antisémitisme des années 30" prêt "à ressurgir à la première occasion".
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