Cet homme de 66 ans avait été retrouvé inconscient, ainsi qu'une femme d'une trentaine d'années à ses côtés, dimanche sur un banc dans un centre commercial de Salisbury, à 140 km au sud-ouest de Londres.
Tous deux ont été hospitalisés pour une "exposition présumée à une substance toxique", a indiqué la police du comté de Wiltshire.
"Il est clair que c'est un cas très inhabituel et qu'il est essentiel de faire toute la lumière sur ce qui a causé cet incident le plus rapidement possible", a déclaré mardi le patron de la police anti-terroriste Mark Rowley, sur la BBC.
"Comme vous pouvez vous y attendre, les ressources spécialisées du réseau antiterroriste que je coordonne à l'échelle du pays et d'autres partenaires travaillent avec la police du Wiltshire pour aller au fond des choses le plus rapidement possible", a-t-il assuré.
'Un air de déjà vu'
L'homme a été identifié par les médias britanniques comme Sergueï Skripal, un ex-colonel du renseignement militaire russe.
Quelques équipes de journalistes, dont une russe, ainsi que des policiers, se trouvaient mardi matin devant une maison de briques rouges typiquement britannique de Salisbury où vivrait l'ancien agent russe, dans une zone résidentielle de la ville, a constaté un journaliste de l'AFP.
Les circonstances de l'affaire ont immédiatement fait ressurgir le souvenir de la mort d'Alexandre Litvinenko, un ex-agent du FSB (services secrets russes) et opposant à Vladimir Poutine, empoisonné en 2006 à Londres au polonium-210, une substance radioactive extrêmement toxique.
Interrogé à Moscou au sujet de Sergueï Skripal, un porte-parole du Kremlin a affirmé n'avoir "aucune information".
"Nous n'avons pas d'informations concernant les raisons (de son empoisonnement), ce que faisait cet homme, à quoi (son empoisonnement) pourrait être lié", a-t-il ajouté. "Personne n'a pour l'instant demandé" à Moscou de participer à l'enquête, a-t-il indiqué, soulignant que "Moscou est toujours disposée à coopérer".
Si aucune implication de la Russie n'est évoquée à ce stade par les autorités britanniques, des opposants au président Poutine n'ont pas hésité à faire la comparaison avec l'affaire Litvinenko, à commencer par sa veuve, Marina.
"Il y a comme un air de déjà vu", a-t-elle déclaré au quotidien The Times, accusant Londres de n'avoir pas su réagir envers Moscou après l'empoisonnement de son mari.
"Le premier soupçon qui vient à l'esprit, c'est qu'il s'agit d'un assassinat commandité par le Kremlin", a dit à l'AFP l'homme d'affaires britannique William Browder, à l'origine d'une loi américaine prévoyant des sanctions pour les Russes reconnus coupables de violations des droits de l'homme. "Parce que cet homme était considéré comme un traître à la Russie par le Kremlin et que Poutine a dit publiquement qu'ils assassinaient les traîtres".
A Salisbury, les enquêteurs tentaient de déterminer l'origine et la nature de la "substance toxique" dont auraient été victimes Sergueï Skripal et la femme retrouvée à ses côtés.
A titre de précaution, un restaurant italien de la chaîne Zizzi a été fermé par la police "en lien" avec l'affaire, a indiqué la police locale.
Lundi, un porte-parole des autorités sanitaires s'était toutefois voulu rassurant, affirmant qu'il n'y "avait apparemment pas de risque immédiat pour la santé du public".
Echange d'espions
Sergueï Skripal a travaillé jusqu'en 1999 dans les services de renseignement pour l'armée russe, obtenant le grade de colonel, selon l'agence de presse russe TASS. En 2004, il a été arrêté par les services de sécurité russes (FSB, ex-KGB), accusé de "haute trahison" au profit des services secrets britanniques qui l'auraient recruté dès 1995.
Lors du procès, Skripal avait reconnu avoir révélé au renseignement britannique l'identité de plusieurs dizaines d'agents secrets russes opérant en Europe, contre plus de 100.000 dollars (78.000 euros, taux en 2006), selon la même source.
Avec trois autres agents russes, il avait fait l'objet d'un échange en 2010 contre dix agents du Kremlin expulsés par Washington, dont Anna Chapman, une jeune femme d'affaires russe surnommée la "nouvelle Mata Hari" à New York.
Cet échange, au terme duquel il s'était réfugié en Angleterre, était le plus important depuis la fin de la guerre froide.
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