L'homme d'une soixantaine d'années a été hospitalisé dimanche "dans un état critique" à Salisbury, à 140 km au sud-ouest de Londres, a annoncé lundi la police du Wiltshire, sans donner son identité, de même qu'une femme d'une trentaine d'années qui se trouvait avec lui.
Ces personnes "sont traitées pour une exposition présumée à une substance toxique", a précisé la police.
"Les deux personnes, dont nous pensons qu'elles se connaissent, ne présentaient aucune blessure visible". Elles ont été retrouvées inconscientes sur un banc, dans un centre commercial de Salisbury, selon la police.
"Ils donnaient l'impression d'avoir pris quelque chose de fort", a raconté à la BBC Freya church, un témoin de la scène.
Cette affaire a immédiatement fait ressurgir le souvenir de l'affaire Litvinenko, du nom d'un ex-agent du FSB (services secrets russes) et opposant à Vladimir Poutine, empoisonné en 2006 à Londres au polonium-210, une substance radioactive extrêmement toxique.
Car tous les ingrédients y sont. Selon la BBC, l'homme est Sergueï Skripal, un ex-colonel du renseignement militaire russe. Accusé d'espionnage au profit du Royaume-Uni, il avait été condamné à 13 ans de prison en Russie en 2006. Il avait été payé 100.000 dollars pour fournir au MI6, le renseignement britannique, les noms des agents russes présents en Europe, selon la BBC.
Avec trois autres agents russes, il avait fait l'objet d'un échange en 2010 contre dix agents du Kremlin expulsés par Washington, dont Anna Chapman, une jeune femme d'affaires russe surnommée la "nouvelle Mata Hari" à New York.
Cet échange, au terme duquel il s'était réfugié en Angleterre, était le plus important depuis la fin de la guerre froide.
'Pas de risque immédiat'
Dans l'immédiat, les autorités tentaient de trouver l'origine d'un éventuel empoisonnement et s'il y avait un risque sanitaire pour le public.
L'hôpital de Salisbury a conseillé lundi au public de ne pas se rendre aux urgences de l'établissement "sauf cas d'urgence absolue".
Une porte-parole des autorités sanitaires s'est toutefois voulu rassurant, affirmant qu'il n'y "avait apparemment pas de risque immédiat pour la santé du public".
"Dans des situations comme celles-ci, nous experts scientifiques et les médecins collaborent" avec les services spécialisés pour, si besoin, informer la population, a-t-elle ajouté.
Mais la police du Wiltshire a ensuite conseillé au public d'appeler les services d'urgence "si votre état de santé ou celui de quelqu'un d'autre se détériore rapidement".
Parapluie bulgare
"Cela ressemble à ce qui est arrivé à mon mari mais nous devons attendre plus d'informations", a dit la veuve d'Alexander Litvinenko au Daily Telegraph.
Pour elle, si l'empoisonnement russe est prouvé, cela montrera que "rien n'a changé depuis la mort" de son mari.
Alexandre Litvinenko avait été empoisonné en 2006 après avoir fui la Russie pour Londres avec sa famille en octobre 2000. Il y avait rejoint le milliardaire Boris Berezovski, farouche ennemi de Vladimir Poutine, lui-même décédé dans des circonstances non élucidées en mars 2013.
M. Litvinenko collaborait avec les services secrets britannique et enquêtait sur d'éventuels liens entre le Kremlin et des réseaux mafieux. Selon les conclusions de l'enquête menée par la justice britannique après sa mort, il avait été empoisonné alors qu'il prenait un thé avec Andreï Lougovoï et Dmitri Kovtoun, deux ressortissants russes, au Millenium Hotel, dans le centre de Londres.
"Le fait que M. Litvinenko ait été empoisonné par du polonium-210 fabriqué dans un réacteur nucléaire suggère que MM. Lougovoï et Kotvoun agissaient pour le compte d'un État plutôt que d'une organisation criminelle", avait souligné le juge Robert Owen, chargé de l'enquête.
Une autre affaire de meurtre survenue à Londres sur fond de guerre froide, n'a elle jamais été résolue. Le 7 septembre 1978, l'écrivain dissident bulgare Guéorgui Markov avait été piqué par le parapluie qu'avait laissé tombé un homme, alors qu'il remontait le Waterloo bridge.
Pris d'une forte fièvre le soir même, Guéorgui Markov était décédé quatre jours plus tard à l'hôpital sans avoir été interrogé par la police. Lors de l'autopsie, une capsule pleine d'un poison fort, le ricine, avait été découverte dans la jambe de la victime.
En 2002, Oleg Kalouguine, un ex-général du KGB, a affirmé que les soviétiques avaient fourni l'arme du crime sur demande du dictateur bulgare Todor Jivkov. Une enquête judiciaire ouverte en Bulgarie a été classée sans suite en 2013 en raison du délai de prescription.
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