Lancé le 16 mars 2008, le "pure player" est passé de 10.000 abonnés à plus de 140.000 dix ans après, soit 20.000 de moins seulement que les abonnés purement numériques du journal Le Monde.
Dans un secteur de la presse en crise, Mediapart emploie 83 collaborateurs et est bénéficiaire depuis 3 ans, sans subvention ni publicité.
Sa recette : scoops et révélations, dont l'une aura fait tomber en 2012 un ministre en exercice, Jérôme Cahuzac, pour un compte caché en Suisse. En contrepartie, Mediapart a essuyé depuis ses débuts près de 150 procédures judiciaires, entrainant de lourds frais d'avocats et trois condamnations définitives ("erreur matérielle" pour l'une, délai de réponse insuffisant pour l'autre, et rectification de propos pour la troisième).
Fin 2017, Mediapart a connu son attaque la plus dure: Charlie Hebdo accuse le site et son directeur Edwy Plenel d'avoir soutenu et caché des informations sur l'islamologue Tariq Ramadan, accusé de viols. Edwy Plenel, outré, répond que le journal satirique prend part à une campagne "générale" de "guerre aux musulmans".
Le ton monte vite : le directeur de l'hebdomadaire satirique, Riss, l'accuse de "condamner à mort une deuxième fois" sa rédaction décimée par l'attentat de 2015.
'Symbole'
L'ex-Premier ministre Manuel Valls, visé par les propos de M. Plenel, prend part à la polémique. L'Express fait sa Une sur l'ancien directeur du Monde sous le titre l'"homme qui divise la France". Le Figaro lui reproche sa "vision messianique de sa propre vocation de justicier".
"Il ne s'agit pas de moi mais de ce que je représente comme symbole", assure à l'AFP Edwy Plenel. "Pentagon Papers, un film hollywoodien, fait du journaliste un héros démocratique. En France, et je le vis depuis des décennies, on fait de ce journalisme-là le symbole de l'anti-France, d'influences de la CIA, de l'islamo-gauchisme".
"Mediapart a dans son identité éditoriale d'être contre toutes les discriminations et de défendre l'idée d'une France multiculturelle, diverse", affirme le journaliste de 65 ans.
Pour l'historien Christian Delporte, "la personnalité d'Edwy Plenel reste très marquée à gauche, ce qui lui aliène une partie de l'opinion". Mediapart pratique "une forme d'investigation jugée parfois agressive. Quand on regarde l'histoire de la presse, on a toujours qualifié ces journalistes de +fouille-merde+", remarque-t-il.
En 2010, Mediapart publie des extraits d'enregistrements de la milliardaire Liliane Bettencourt, suggérant que l'UMP aurait profité de ses largesses pour la campagne de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007. Suite à d'autres révélations du site, des soupçons de financement libyen de cette même campagne font l'objet d'une enquête en cours.
En 2016, le site participe à l'enquête des "Football leaks", des documents portant le soupçon d'une évasion ou d'optimisation fiscale de stars du football européen.
L'avenir
Après dix ans d'activité, Mediapart prépare son avenir avec un changement de génération à sa tête. Son cofondateur François Bonnet, rédacteur en chef depuis les débuts, a passé la main en février à Carine Fouteau, 43 ans, et Stéphane Alliès, 39 ans.
Le site se prépare aussi à changer d'organisation, en passant sous l'égide d'un "fonds de dotation", sorte de fondation à but non lucratif qui le rendrait incessible, après le rachat des parts que détiennent encore les fondateurs et des investisseurs présents au lancement.
Après s'être auto-appliqué pendant plusieurs années le taux de TVA réduit (2,1%) de la presse papier et avoir milité pour un changement de législation, le site a obtenu gain de cause mais a subi un redressement fiscal de plusieurs millions d'euros.
Mediapart envisage aussi de s'installer dans une "Maison pour la liberté de la presse" qui réunirait à Paris plusieurs médias indépendants.
Il fêtera ses dix ans avec ses lecteurs les 16 et 17 mars au Centquatre, à Paris, avec des conférences et débats.
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