La piste jihadiste semblait la plus évidente, mais le gouvernement n'exclut pas, à mots couverts, une responsabilité de personnes liés au putsch manqué de 2015 contre les successeurs de l'ancien dirigeant Blaise Compaoré.
"Il s'agit d'une attaque terroriste, liée à un courant ou un autre (...) des mouvements terroristes dans le Sahel", "ou à d'autres acteurs qui sont pour une déstabilisation ou une situation de blocage de notre avancée démocratique", a déclaré samedi matin Remis Fulgance Dandjinou, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement burkinabè.
Un régime plus démocratique a remplacé le gouvernement de l'ex président Compaoré chassé par un soulèvement populaire en octobre 2014 après 27 ans de pouvoir.
Le Premier ministre Paul Kaba Thieba devait se rendre samedi dans la matinée sur les lieux des attaques alors que Ouagadougou a retrouvé un certain calme.
Selon un correspondant de l'AFP, des commerces ont rouvert, même si d'autres restent fermés. Des militaires sont présents autour des lieux des attaques mais on ne note pas de déploiement particulier de forces de sécurité ailleurs en ville, Des badauds se sont rassemblés près de l'état-major, tenus à bonne distance par des soldats.
Interpellations
Deux personnes ont été interpellées près de l'état-major, a indiqué à l'AFP une source sécuritaire sans plus de précisions.
Vendredi soir, le ministre de la Sécurité, Clément Sawadogo, avait déclaré que l'attentat visait "peut-être" une réunion militaire de la force multinationale antijihadiste du G5-Sahel (Mali, Burkina, Niger, Tchad et Mauritanie), qui devait se tenir dans une salle été dévastée par l'explosion d'une voiture piégée.
Cette réunion entre le chef d'état-major et des officiers a été changée de salle au dernier moment, évitant un carnage.
Le bilan officiel de la double attaque est de huit morts parmi les forces de l'ordre : "deux gendarmes devant l'ambassade de France et six militaires au niveau de l'état-major", ainsi que plus de 80 blessés, a réaffirmé samedi une source sécuritaire proche de l'état-major.
Les huit assaillants "ont été tous abattus" : "quatre à l'ambassade de France, en dehors des locaux" et quatre à l'état-major, selon la source.
"Trois d'entre eux ont été tués au sein de l'état-major et le quatrième qui s'était réfugié dans un immeuble non loin a également été neutralisé", a-t-elle précisé.
Mais selon plusieurs sources sécuritaires interrogées par l'AFP, au moins 28 personnes ont été tuées dans l'attaque de l'état-major. Aucun Français ne figure parmi les victimes, a-t-on appris de source diplomatique française.
'Mode opératoire crescendo'
Le Burkina Faso est depuis 2015 la cible d'attaques jihadistes, qui ont déjà frappé sa capitale, sans jamais toutefois atteindre un tel niveau d'organisation avec deux groupes d'hommes armés opérant simultanément dans deux endroits du centre-ville de Ouagadougou et utilisant un véhicule piégé avant de lancer l'assaut à l'état-major.
Les attaques ont commencé vers 10H (locales et GMT) vendredi, et se sont terminées entre 14H et 15H.
"Le mode opératoire des attaques évolue crescendo. Après des cibles molles, comme des hôtels et restaurants, cette attaque a visé des cibles dures, des symboles forts", a jugé un consultant burkinabè en sécurité, Paul Koalaga, qui évoque aussi "un problème au niveau du renseignement".
Selon un témoin les assaillants de l'ambassade armés de fusils d'assaut Kalachnikov étaient "habillés en civil, même pas cagoulés, à visage découvert".
A l'inverse, le commando qui a attaqué l'état-major portait l'uniforme de l'armée de terre bukinabè, selon une source sécuritaire.
Le parquet de Ouagadougou a lancé un appel à témoins "pour aider à la recherche et l'identification des complices, des hôtes et de tous facilitateurs éventuels des faits".
C'est la troisième fois en deux ans que la capitale du Burkina est la cible d'attaques visant des cibles fréquentées par les Occidentaux. 19 personnes avaient été tuées dans un café le 13 août 2017, dans un attentat non revendiqué. Et le 15 janvier 2016, 30 personnes, dont six Canadiens et cinq Européens, avaient été tuées lors d'une attaque revendiquée par le groupe jihadiste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
"Notre pays a été de nouveau la cible (...) de forces obscurantistes", a dénoncé vendredi soir le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré.
Selon un rapport intermédiaire de l'ONU publié vendredi, la montée en puissance de la force du G5-Sahel va de pair avec des "menaces terroristes croissantes de l'Etat islamique dans le Grand Sahara (ISGS) et de Ansar al-Islam", notamment aux confis des Burkina Faso, Mali et Niger.
G5 Sahel
Cette zone est au coeur de l'action de la force du G5-Sahel. Le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé à un "effort urgent et concerté" de la communauté internationale pour aider à stabiliser la région, y compris à travers "la pleine opérationnalisation" de la force du G5-Sahel.
Le président français Emmanuel Macron a réaffirmé "la détermination (...) de la France, aux côtés de ses partenaires du G5-Sahel, dans la lutte contre les mouvements terroristes".
Le président du Niger et président en exercice de cette force, Mahamadou Issoufou, lui a fait écho en assurant que les attaques "ne feront que renforcer la détermination du G5-Sahel et de ses alliés dans la lutte contre le terrorisme".
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