Qu'il s'agisse de Birmanie, Corée du Nord, Syrie ou Yémen, les diplomates qui aiment multiplier les réunions dans le vaste immeuble de verre servant de siège aux Nations unies, assurent tous chercher un consensus. Mais comment imposer ses vues ?
"Ca se joue entre des gens. Sans confiance, on n'y arrive pas", explique à l'AFP un diplomate sous couvert d'anonymat.
L'unanimité est trouvée sur une trêve improbable en Syrie, la désunion l'emporte pour l'Iran que les Etats-Unis, contrés par la Russie, n'ont pas réussi à incriminer dans la guerre au Yémen.
"Dans toute négociation, la clé c'est la relation personnelle", insiste la même source. Pour des diplomates qui se côtoient matin, midi et soir, amitiés et inimitiés se font au gré des personnalités. "Les relations en privé sont moins tragiques qu'en public", avoue l'un d'eux.
L'ambassadrice américaine Nikki Haley, seule politique parmi des diplomates de carrière, délègue souvent. Lundi, celle qui avait réussi en 2017 un triplé unanime de sanctions contre Pyongyang était au Honduras alors que son pays perdait son combat face à la Russie pour épingler pour la première fois à l'ONU l'Iran.
'Salle des chuchotements'
Pour obtenir un texte contre la Birmanie, des négociateurs ont choisi l'an dernier de proposer à son alliée chinoise une résolution plutôt qu'une déclaration du président du Conseil de sécurité (PRST). Un cran juridictionnel en-dessous de la résolution, une PRST est tout aussi difficile à produire, chacun des 15 pays membres pouvant mégoter sur la moindre virgule.
Pékin ne voulait rien mais "au final on a eu une PRST parce qu'une résolution avait été proposée en premier", explique un diplomate. Un autre rappelle l'essentiel: "Permettre à l'autre de sauver la face".
Lorsque les négociations sur le langage ont un enjeu dramatique, comme la Syrie, "c'est la prime au sang-froid", indique à l'AFP un négociateur sous anonymat. "Il faut croire l'autre lorsqu'il expose ses lignes rouges", sinon cela ne fonctionne pas, ajoute-t-il. "C'est assez éprouvant nerveusement", confirme un autre négociateur.
Le dernier mot revient aux capitales pour un oui, un non ou une abstention, quitte à déjuger son ambassadeur à l'ONU. A l'exception de Nikki Haley, ayant rang de ministre et à la plus grande liberté de décision.
Les discussions se tiennent par courriels, au téléphone, dans des couloirs feutrés à la moquette épaisse, dans le bureau de la présidence du Conseil de sécurité, dans la salle des dix membres non permanents ou celle des cinq permanents, voire dans l'insolite "Salle des chuchotements" qui sert de salon d'attente.
'Remerciements'
Elles réunissent deux membres, trois (Etats-Unis, Royaume-Uni, France), cinq (les permanents avec Chine et Russie), ou 15. Après les experts censés dégager le terrain, les "coordonnateurs" des missions, les ambassadeurs ou leurs adjoints, prennent le relais.
Chacun se dévoile plus ou moins. Les "plumes" - auteurs des textes - ont les premiers rôles. Pour la Syrie, le Koweït et la Suède. Pour le Yémen ou la Birmanie, le Royaume-Uni.
Pour parvenir au consensus, certains Etats peuvent devenir tête d'affiche. Lors de la dernière ligne droite pour la Syrie, la France, jusqu'alors simple conseillère, est devenue "facilitatrice", et la Chine conviée aux discussions en format restreint. Nikki Haley, revenue d'une visite à Chicago, n'est entrée en piste qu'au tout dernier moment, selon des diplomates.
"J'ai envoyé un sms de remerciements" à François Delattre, le représentant français, pour son rôle "de pivot", confie à l'AFP l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia.
L'effet théâtral n'est pas prohibé.
Le 22 février, les dix membres non permanents se sont présentés comme un seul homme devant les médias parqués derrière une rampe. Objectif: montrer "l'unité" de l'ONU alors que Moscou renâclait à toute trêve.
Deux jours plus tard, alors que tout semble figé, une caméra de télévision de l'ONU montre soudain Nikki Haley et François Delattre, complices, s'asseoir au Conseil de sécurité. Accord russe? Non, "on était alors à deux doigts" d'échouer, il s'agissait juste d'un "geste rare" pour "forcer le destin" et pousser Moscou au vote, racontent à l'AFP des sources concordantes.
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