"J'ai demandé au président du parlement catalan que, de manière provisoire, il ne présente pas ma candidature à l'investiture comme président", a dit M. Puigdemont dans une vidéo enregistrée en Belgique, où il s'était installé fin octobre, échappant aux poursuites de la justice espagnole.
L'ancien journaliste de 55 ans, élu président de la Catalogne en janvier 2016, a été destitué par Madrid le 27 octobre, quelques heures après une déclaration d'indépendance de la "République catalane" votée au parlement régional.
Depuis, la Catalogne reste placée sous la tutelle du gouvernement espagnol de Mariano Rajoy, qui avait suspendu son autonomie régionale.
Et M. Puigdemont, objet de poursuites judiciaires pour "rébellion" et "sédition", serait immédiatement arrêté s'il rentrait en Espagne.
Il n'avait pas pour autant renoncé à diriger sa région de 7,5 millions d'habitants - estimant que son retour serait le symbole de la "dignité" retrouvée du "peuple catalan" piétiné par Madrid - et s'était donc présenté aux élections régionales du 21 décembre.
Or sa liste était arrivée en tête au sein du camp indépendantiste, victorieux.
Route barrée
Cependant la Cour constitutionnelle lui a barré, fin janvier, la route du Palais de la Generalitat (siège de l'exécutif régional).
Elle a exigé qu'il soit physiquement présent au débat d'investiture et obtienne au préalable une autorisation du juge l'ayant inculpé.
Les pressions sont allées crescendo sur Carles Puigdemont, même au sein de son camp où beaucoup considéraient que la formation d'un nouveau gouvernement devait être la priorité.
Annonçant finalement son retrait jeudi, il a admis que "dans les conditions actuelles, c'est la seule façon de pouvoir former un nouveau gouvernement, le plus rapidement possible".
Son remplaçant est en prison
Il propose à présent la candidature du président d'une association indépendantiste, Jordi Sanchez, bien qu'il soit emprisonné depuis quatre mois.
Mais cette candidature aura aussi du mal à aboutir.
M. Sanchez est en détention provisoire depuis la mi-octobre pour "sédition", en lien avec une manifestation organisée le 20 septembre à Barcelone.
Pour être investi, il devrait lui aussi obtenir une autorisation du juge de la Cour suprême en charge de l'enquête, Pablo Llarena.
Or ce magistrat a déjà refusé une permission de sortie à l'ex-vice-président catalan Oriol Junqueras (ERC), également élu député alors qu'il était en détention, qui souhaitait assister à des sessions parlementaires.
Jeudi soir, une source gouvernementale espagnole se félicitait du renoncement de M. Puigdemont, qui cherchait selon elle à se "moquer de la loi": "La Catalogne a le plus vite possible besoin d'un président de la Generalitat (exécutif catalan) en mesure de gouverner", a déclaré cette source.
"Choisir une personne qui a des problèmes judiciaires serait une grande erreur", avait aussi déclaré dans la matinée Mariano Rajoy.
Le parlement catalan, dominé par les indépendantistes, avait adopté jeudi à la mi-journée la première motion de sa nouvelle législature.
Il y dénonçait "la dérive autoritaire et antidémocratique" du gouvernement espagnol, accusé d'instrumentaliser la justice pour lutter contre les indépendantistes.
Le parlement avait défendu la "légitimité" de la candidature de M. Puigdemont, manière de lui rendre hommage avant qu'il n'annonce lui-même son retrait.
L'opposition anti-indépendantiste avait refusé de participer au vote au parlement régional.
"Vous êtes installés dans le passé (...) et ici les gens veulent penser à l'avenir, à comment ils vont payer leurs factures, les retraites", a déclaré la chef de l'opposition anti-indépendantiste au parlement catalan, Inès Arrimadas, du parti libéral Ciudadanos.
Elle a souligné que les séparatistes n'avaient pas une majorité "dans la rue" et rappelé que la tentative de sécession avait entraîné le déménagement des sièges sociaux de 3.000 entreprises hors de Catalogne.
La loi électorale implique une pondération des voix en faveur des provinces plus rurales qui a profité aux séparatistes de Catalogne: avec 47,5% des voix, ils ont la majorité des sièges.
M. Puigdemont a par ailleurs annoncé qu'une équipe d'avocats internationaux avait présenté jeudi une plainte en son nom contre l'Etat espagnol, devant le comité des droits de l'homme des Nations unies, pour activement défendre ses droits.
Il a promis à ses sympathisants qu'il restaient ensemble "sur le chemin d'une république d'hommes et de femmes libres" en Catalogne.
"Nous n'abandonnerons pas", a-t-il promis.
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