Ce lundi soir dans la capitale alsacienne, la température est de -7°, elle se ressent comme un cinglant -12°. En quelques minutes, doigts et orteils sont engourdis.
"Le souci est que l'on ne peut pas dire +oui+ à tout le monde, il faut parfois faire des choix qui ne sont pas simples", explique Claude Hecht, retraité, l'un des quatre bénévoles à faire cette visite hebdomadaire auprès des personnes à la rue.
Pour cette nuit hivernale, quatre places d'hébergement pour hommes et deux pour femmes sont réservées à ceux croisés par la maraude strasbourgeoise.
Soupe chaude, café fumant, bouteilles d'eau, produits d'hygiène, mais aussi une ration augmentée de gants, bonnets, chaussettes, polaires, sacs de couchage. Des couvertures de survie viennent compléter le chargement des deux véhicules de l'organisation de Coluche, qui vont sillonner la ville.
Lien social
"La soupe et le café sont un prétexte pour aller à la rencontre des personnes. L'objectif n°1 est d'être un lien social avec ceux qui dorment dehors", explique Gaëlle, 32 ans, responsable adjointe de la maraude des Restos du coeur.
Avec l'arrivée de températures négatives, les signalements au numéro d'urgence pour les sans-abri, le 115, se multiplient. "Les passants se sentent plus concernés quand il fait froid comme ça", raconte Gaëlle, qui, en cours de route, fait le point avec le Samu social.
A peine partie, l'équipe bénévole a déjà trois signalements supplémentaires à ajouter à sa tournée de plusieurs heures.
Il y a ces nouveaux venus, précipités dans la rue pour diverses raisons, et puis il y a les "habituels", à qui ils rendent visite chaque semaine. Comme Mohamed, dans la rue depuis 22 mois, ou Ivan, un homme aux cheveux gris parlant allemand, qui ne veut pas quitter sa pile de couvertures placé dans le renfoncement d'une banque.
"Pour une seule nuit ?"
Le déclenchement du plan Grand froid dans le Bas-Rhin, comme dans 67 autres départements, s'est notamment traduit à Strasbourg par l'ouverture d'un gymnase pour accueillir des sans-abri. Un des rares lieux d'hébergement où les chiens sont acceptés.
Mais Jonathan, 21 ans dont quatre à la rue, ne veut pas y aller avec ses deux chiens. "J'en ai marre de me faire voler mes affaires", explique-t-il entre deux gorgées de café. Cette nuit, il ira squatter un garage abandonné, dit-il.
"Si cela ne va vraiment pas, appelez le 115", insiste Gaëlle en douceur.
Un message répété aussi à Marguerite, 58 ans, qui dort depuis des années dans sa voiture dans un parking du stade de la Meinau, dans le sud de la ville. Elle laisse sa portière arrière entrouverte pour éviter que les vitres gèlent.
"On n'a pas choisi. Cela fait si longtemps, cela n'a plus d'importance", lâche la femme blonde sous ses couvertures.
Retour dans le centre de Strasbourg. La maraude part à la recherche d'une famille qui leur a été signalée. Emmitouflés, un couple d'Arméniens et leurs deux enfants se dirigent vers la camionnette des Restos du coeur pour avaler un bol de soupe en silence, après avoir cherché un peu de répit dans un centre commercial à proximité.
En France depuis presque quatre ans, leur fils de 11 ans et leur fille de 8 ans vont à l'école le jour mais la nuit, cela fait six mois qu'ils n'ont plus de logement où dormir.
Ce soir ils vont finalement pouvoir coucher dans deux chambres d'hôtel qui leur ont été réservées.
"C'est pour une seule nuit ?", demande la mère de famille, le regard épuisé. "Malheureusement oui", lui répond Gaëlle. "Demain, il faudra rappeler le 115."
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