La Cour administrative fédérale, qui s'est réunie jeudi dernier, s'était laissé quelques jours pour "débattre en profondeur" la question qui agite depuis des mois l'Allemagne: les communes doivent-elles bannir de leurs rues les véhicules diesel les plus anciens, ou bien est-ce à l'Etat fédéral d'agir?
A partir de 11H00 GMT, les hauts magistrats rendront à Leipzig une décision de principe pour les villes de Stuttgart et Düsseldorf. Cet arrêt aura une portée nationale et devrait accroître la pression tant sur Berlin que sur l'industrie automobile, hostiles à ces mesures.
Poursuivis par l'organisation environnementale Deutsche Umwelthilfe (DUH), fer de lance de la bataille judiciaire pour purifier l'air dans le pays, les Etats régionaux du Bade-Wurtemberg et de Rhénanie-du-Nord-Westphalie s'étaient vus enjoindre en première instance d'envisager des interdictions de circulation des véhicules les plus polluants dans leurs capitales respectives.
Sans attendre l'arrêt de Leipzig, le gouvernement fédéral a créé la surprise au cours du week-end en laissant filtrer ses projets pour une version a minima des interdictions de circulation.
'Ecran de fumée'
Le ministère des Transports envisage désormais de fournir d'ici la fin de l'année la base légale permettant aux communes d'interdire les voitures roulant au gazole sur certaines voies, en cas de dépassement des seuils autorisés de particules fines et d'oxydes d'azote.
"Ecran de fumée ou prise de conscience tardive?", s'est immédiatement interrogée l'association de protection de l'environnement VCD. "Des interdictions de circulation à petite échelle ne font que déplacer le problème", la pollution risquant de se déporter sur les axes adjacents, a regretté Gerd Lottsiepen, l'un de ses porte-parole.
Pour Helmut Dedy, président de la Fédération des communes allemandes (Städtetag), cette proposition suscite plus de questions qu'elle n'apporte de réponses.
"Si les interdictions de circulation sont déclarées légales par la Cour fédérale administrative, alors il faut une réglementation unique au niveau fédéral à travers une vignette bleue", a-t-il estimé auprès de l'agence allemande DPA.
Les autorités locales redoutent en effet de devoir mettre en place des interdictions sur mesure, difficilement applicables. La présence d'une vignette bleue sur les pare-brises pour les véhicules les plus propres ou ayant des autorisations exceptionnelles permettrait de veiller au respect des interdictions. Elle serait valable pour des zones entières et pas seulement quelques axes routiers.
Urgence
Jusqu'ici, le gouvernement allemand, soutenu par le lobby de l'industrie automobile, s'était toujours opposé à toute forme de limitation pour les voitures diesel.
Il a tenté d'amadouer Bruxelles et les hauts magistrats en mettant sur pied un fonds d'un milliard d'euros pour aider les villes à développer leur réseau de transports publics ou encore leur flotte de véhicules électriques.
Les constructeurs tels que Volkswagen, Daimler et BMW ont de leur côté entamé une mise à jour logicielle de millions de véhicules diesel pour en réduire les émissions polluantes, dans le sillage du scandale aux moteurs truqués de VW, et mis en place des primes à l'achat de véhicules plus propres. La décision à Leipzig pourrait les pousser à aller plus loin, en modifiant en profondeur le système de filtration des gaz d'échappement.
En proposant de donner quelques instruments légaux aux communes, Berlin cède par avance à la pression de la justice allemande mais également de la Commission européenne, qui menace l'Allemagne de poursuites pour son inaction face à la pollution de l'air.
Malgré une amélioration, quelque 70 villes allemandes présentaient encore en 2017 des taux de dioxyde d'azote supérieurs au seuil annuel moyen de 40 microgrammes/m3 édicté par l'Union européennne, d'après l'Office fédéral de l'environnement. Munich, Stuttgart et Cologne sont les plus touchées.
Or les véhicules diesel les plus anciens sont jugés majoritairement responsables des émissions d'oxydes d'azote en zone urbaine, qui favorisent les maladies respiratoires et cardiovasculaires.
L'Allemagne, où est née la technologie diesel, compte plus de 9 millions de véhicules diesel aux normes plus anciennes Euro 4 et Euro 5. Face aux menaces d'interdiction, la part de marché du diesel a fondu de 48% en 2015 à 39% environ en 2017.
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- agence allemande dpa
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