Alors qu'Emmanuel Macron reçoit jeudi midi un millier d'agriculteurs à l'Elysée, ceux de La Piège, un secteur aux confins de l'Aude et de l'Ariège, ne décolèrent pas. Et comptent bien manifester leur courroux via une jeune éleveuse du secteur, Bleuène Madelaine, invitée à l'Elysée.
Des élus de La Piège envisagent eux aussi d'interpeller le président Macron au salon de l'Agriculture, samedi, avec le collectif "Pour que vive La Piège". Symboliquement, en soutien aux éleveurs, "espèce en voie de disparition mais non protégée", certains maires ont mis en vente leurs villages sur le site Le Bon Coin, "suite à une série de décisions injustes", "à l'abandon du monde rural par l'État et à la surdité du ministère de l'Agriculture".
Les habitants ne sont pas en reste dans la mobilisation. Depuis 15 jours, les calicots "Maison à vendre" ont fleuri sur les fenêtres, comme à Fanjeaux, commune de 900 habitants, où la supérette et la boulangerie notamment s'affichent elles aussi "commerce à vendre".
Chez les éleveurs, personne ne comprend la position du ministère, chargé d'établir la nouvelle carte des zones défavorisées, ces zones qui déterminent le versement aux agriculteurs de l'Indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) hors montagne.
"Il va bien falloir qu'on nous explique pourquoi on nous en fait sortir", dit Loïc Albert, un éleveur de bovins de 28 ans, membre comme Yann Vetois du collectif "Pour que vive La Piège". "Quels sont les critères" retenus par le ministère pour établir la nouvelle carte?, alors que La Piège faisait partie des zones défavorisées depuis 1976, insiste-t-il.
"On nous cache tout, toutes les infos sur notre déclassement", déplore Solenn, la compagne de Yann.
"des pentes et de cailloux"
Le couple élève poules pondeuses, poulets et brebis à Fanjeaux. De leurs terres, la vue porte tout au nord vers la Montagne Noire. Entre les deux, la plaine du Lauragais, entre Castelnaudary et Carcassonne, une plaine qui, elle, pourrait rentrer dans la nouvelle carte, selon les agriculteurs de La Piège.
"C'est l'incompréhension", dit Yann, membre de la Confédération paysanne. "Comment, tempête Loïc, expliquer aux paysans de la Piège, qui sont en colline, que ceux d'en bas, dans la plaine, vont toucher des primes?". "La Piège, ce sont des terrains en pente, des terrains pauvres, avec des problèmes d'eau et de sécheresse", poursuit-il. "En bas, tout est irrigable", expliquent les agriculteurs. "Il ont des rendements deux fois plus élevés que chez nous".
"Pour nous, c'est le carton rouge", assure Solenn qui s'est installée avec son compagnon en 2013 à Fanjeaux, village d'origine romaine qui tire son nom de Fanum Jovis, "Temple de Jupiter".
Le couple a touché entre 12.000 et 13.000 euros de prime. Grâce à cette ICHN, "on s'est versé 20.000 euros en salaire à nous deux l'an dernier", explique la jeune maman de deux jumelles.
Loïc Albert est à la tête avec son père et sa soeur d'un troupeau de 80 bêtes et de 20 hectares de céréales destinées au troupeau, sur la commune de Saint-Julien-de-Briola. Un village lui aussi en vente sur Le Bon Coin. "Nous on touche 16.000 euros d'ICHN", dit Loïc. "On prend 300 euros de salaire par mois chacun".
Dans le secteur de La Piège, 55 éleveurs seront concernés par la nouvelle carte des zones défavorisées, si elle est maintenue, selon le maire de Fanjeaux, Denis Juin. "Des exploitations qui ne roulent pas sur l'or", dit-il. "Mais on ne demande pas l'aumône. On demande qu'on prenne en compte la difficulté des territoires, nos pentes, nos cailloux".
"Et si la population se mobilise, précise-t-il, c'est qu'elle sent bien qu'on risque de délaisser une partie de notre territoire, qu'on va le conduire à la ruine".
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