Loin des villages de Vénétie qui se barricadent contre les migrants, mais épargnée aussi par les immenses centres d'accueil qui inquiètent le Sud, Macerata est à l'image de la plupart des villes d'Italie qui ont pris une petite part dans l'accueil des milliers de migrants débarquant chaque semaine depuis 2013.
Avec 9% d'étrangers --pour la plupart Européens-- parmi ses 42.000 habitants et un taux de chômage de 11%, elle est dans la moyenne italienne, même si elle a souffert de la liquidation de facto d'une petite banque locale en 2015 et des séismes qui ont rasé des villages voisins en 2016.
Mais elle a déchaîné les passions quand le corps de Pamela Mastropietro, une toxicomane de 18 ans, a été retrouvé découpé en morceaux et que Luca Traini, un militant d'extrême droite, a tiré sur des Africains, faisant au moins six blessés, après avoir appris que des Nigérians étaient soupçonnés du meurtre.
La ville a alors vu défiler des mouvements d'extrême droite venus défendre M. Traini, puis des milliers d'antifascistes, tandis que les candidats de droite aux élections rivalisaient de fermeté face à l'immigration et que la gauche maintenait un silence gêné.
La Ligue de Matteo Salvini, à l'extrème droite, a sans surprise relancé son slogan: "Les Italiens d'abord", tandis que son allié à droite, l'ancien Premier ministre Silvio Berlusconi, qualifiait l'immigration de "bombe sociale" prête à exploser.
"Ca nous est tombé dessus sans prévenir", explique Laura, mère de deux jumeaux de 6 ans à la sortie de l'école. "Macerata est vraiment une ville très tranquille, nous ne sommes pas habitués à ça".
"Je suis plutôt content ici", renchérit Madu Cisse, venu du Mali, débarqué en 2011 et désormais pâtissier à Macerata. "Je n'aurais jamais imaginé qu'il puisse se passer quelque chose comme ça".
"Je n'ai jamais eu de problème ici. Quand les gens me voient, ils me saluent", assure aussi Mohamed, un Somalien arrivé en 2009 et employé dans une station service, tout en tempérant: "Tout dépend comment on se comporte".
'Trop nombreux'
Mais si l'on range les caméras et les carnets de note, nombre d'habitants sont prompts à exprimer leur hostilité envers les migrants, et en particulier ceux venus d'Afrique subsaharienne.
"Ils sont trop nombreux", revient comme un refrain dans les commentaires.
"Quand on marche la nuit dans certains quartiers et qu'on les voit en groupes, on ne peut qu'avoir peur", glisse un jeune homme.
Selon les sondages, l'immigration est devenu un sujet pré-électoral majeur pour quelque 30% des électeurs, contre moins de 5% en 2013. Entre-temps, l'Italie a vu débarquer plus de 690.000 migrants, dont beaucoup sont restés dans le pays, avec ou sans papiers.
L'avocat de M. Traini, Me Giancarlo Giulianelli, s'est d'ailleurs inquiété du flot de messages de solidarité pour son client, dont l'acte criminel ne représente selon lui que "la partie émergée de l'iceberg" d'un rejet profond.
Ces message viennent "de gens ordinaires la plupart du temps, des gens de gauche, de droite", qui veulent donner de l'argent, a-t-il expliqué à l'AFP.
Gennaba Diop, 23 ans, née à Macerata de parents sénégalais, en était déjà consciente depuis longtemps: "La première fois que quelqu'un m'a traitée de nègre, j'avais 10 ans. Dès lors, les choses n'ont fait qu'empirer".
"Les gens me disent de retourner en Afrique", ajoute-t-elle. "L'autre jour les gens de Forza Nuova (un mouvement d'extrême droite) m'ont dit +crève+. Je leur ai répondu qu'ils n'avaient pas réussi à me tuer en me tirant dessus, alors que peuvent-ils faire maintenant..."
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