Après avoir fait voter à l'automne une loi antiterroriste décriée par les défenseurs des libertés publiques, le ministre de l'Intérieur affronte, à 70 ans, un nouveau procès en dérive droitière.
Surnommé "M. Tape-Dur" par Libération, l'ancien maire de Lyon fait office de paratonnerre pour l'exécutif en concentrant les critiques des associations, des intellectuels et de la gauche sur son projet de loi "asile et immigration".
Lui qui, selon Le Canard enchaîné, se plaignait d'être assimilé au "facho de service" est devenu le "ministre de la matraque et de la barbarie" pour l'écrivain Yann Moix. L'ex-patron du PS Jean-Christophe Cambadélis a, lui, appelé son ancien camarade à "ne pas oublier qui (il a) été".
"Collomb, l'homme de gauche qui s'en prend aux migrants? Le raccourci est trop facile", s'emporte un ami du ministre. "C'est un homme d'équilibre. Issu de la classe populaire. Et qui n'a pas oublié qu'il a été maire du IXe arrondissement de Lyon, celui de la Duchère (quartier réputé difficile, ndlr). Il met les mains dans le cambouis".
"C'est dur pour lui. C'est un franc-maçon, avec une vraie culture humaniste", plaide une source gouvernementale. Une autre met en avant son "pragmatisme" et son long travail de "pédagogie" au sein d'une majorité dont certains députés s'interrogent sur la logique répressive du texte.
La méthode Collomb? "C'est d'avoir raison tout seul", ironisent des opposants lyonnais.
Le portrait qu'ils brossent de lui est sans appel: "autocratique", "paternaliste" et faisant "la course à droite" sur l'immigration. "Il dit des choses que l'homme de la rue aime entendre, avec aussi cette petite musique +S'il y a trop d'étrangers en France, les gens voteront FN+", critique Olivier Brachet, ex-directeur général de l'ONG Forum Réfugiés et ancien vice-président de la Métropole de Lyon, qui a brutalement rompu avec M. Collomb en 2015.
"Bisounours"
"Aucun ministre de l'Intérieur n'est un Bisounours", souligne le maire PS de Bourg-en-Bresse, Jean-François Debat, longtemps réputé proche de l'ex-édile. "Mais si c'était Sarkozy qui avait proposé une telle réforme, la gauche toute entière serait dans la rue".
L'arrivée de Gérard Collomb, bombardé en mai 2017 numéro 2 du gouvernement, dans le fauteuil de ministre de l'Intérieur aura surpris les bons connaisseurs de cet "animal politique" qui, en 2001, après trois échecs, réussit l'exploit de faire basculer Lyon, bastion réputé inexpugnable du centre et de la droite.
Féru d'urbanisme, de développement économique, fin connaisseur des collectivités locales, M. Collomb n'était pas attendu dans le costume de "premier flic de France" même s'il met en avant la mise en place de la vidéosurveillance ou l'armement de sa police municipale.
De fait, à Beauvau, il déroute parfois entre approximations factuelles, éloquence en berne et attitude jugée "dilettante" par une kyrielle de hauts fonctionnaires et de syndicalistes, habitués au style plus musclé des Sarkozy, Valls ou Cazeneuve.
Entré au conseil municipal de la capitale des Gaules en 1977, année de naissance du président de la République, indéboulonnable baron de province ayant cumulé toutes les charges électives depuis quatre décennies, M. Collomb incarne à bien des égards "l'ancien monde" vilipendé par Emmanuel Macron.
Sa réussite en "macronie" se lit comme une revanche. Amorcé à l'été 2015, le compagnonnage entre le vieux briscard et le jeune loup allait se poursuivre jusqu'aux larmes télévisées de M. Collomb, lors de l'investiture du nouveau chef de l'Etat. Et continue à Beauvau où le ministre vient de lancer la police de sécurité du quotidien, promesse du candidat Macron.
Fort d'indéniables réussites locales, Gérard Collomb a longuement attendu un destin national. Mais avant d'être En Marche, le ministre, qui a prêché sans relâche les vertus du "réformisme" au PS, avait longtemps été en marge. Côté droit.
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