Défendu par le ministre de l'Intérieur comme un texte "équilibré", le "projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif" vise à réduire à six mois les délais d'instruction de la demande d'asile et à faciliter la reconduite à la frontière pour les déboutés. Il lance quelques pistes sur le séjour des personnes admises sur le territoire.
Ce texte "s'inscrit dans le cadre plus large de notre politique d'immigration et d'asile", qui "repose sur deux principes, humanité et efficacité", a affirmé lundi Edouard Philippe.
Pour mettre l'accent sur le côté "humaniste", le Premier ministre a reçu en grande pompe ce jour-là un rapport sur l'intégration des étrangers aux mesures ambitieuses, dont il a promis que "les grands axes" seraient repris par le gouvernement.
Mais c'est surtout la "fermeté" affichée dans le projet de loi qui a focalisé l'attention ces dernières semaines.
L'une des mesures phares, visant à faciliter les expulsions, est le doublement de la durée maximale de rétention à 90 jours (voire 135 en cas d'obstruction), pour rapprocher la France de la moyenne européenne. "Le problème principal tient à notre législation, qui par rapport aux législations européennes est beaucoup plus favorable", selon M. Collomb.
Mais les associations tiquent. "La durée de rétention influe très peu sur les mesures exécutées", assure David Rohi de la Cimade. D'autres mesures sont critiquées, notamment celles qui, au nom de la réduction des délais d'instruction, restreignent les possibilités de recours.
Texte "profondément déséquilibré" pour France terre d'asile, "volonté de dissuasion" et "de tri" pour la Ligue des droits de l'Homme, "très net recul des droits" pour la Cimade, qui demande son retrait.
Grève à l'Ofpra
Plusieurs acteurs de l'asile seront en grève mercredi: l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides), qui n'avait pas connu de tel mouvement depuis cinq ans, mais aussi la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui entamera son neuvième jour de grève. Un rassemblement est prévu à 11H00 devant le Conseil d'Etat.
A l'inverse, Les Républicains (LR) se disent "très inquiets du laxisme du gouvernement face au défi migratoire". Le projet de loi est fait de "petits ajustements technocratiques" mais ne prévoit pas "la transformation nécessaire de la politique d'immigration", a affirmé mardi sur RFI le député Guillaume Larrivé.
La "subversion migratoire est en marche, et ce projet de loi vient aider", a estimé sur LCP Sébastien Chenu, porte-parole du Front national, en parlant de "grand déclassement" des Français.
Ce texte arrive après la loi sur le droit des étrangers (en 2016), qui instaurait notamment un titre de séjour pluri-annuel, et la réforme du système d'asile (en 2015), qui s'est vite trouvée sous-calibrée avec la crise migratoire. Il y a eu 100.000 demandes d'asile en France l'an dernier.
Le projet de loi sera présenté dans un climat où les esprits sont déjà échauffés par la "circulaire Collomb" sur le recensement des migrants dans l'hébergement d'urgence, que le Conseil d'Etat a refusé de suspendre mardi.
La grogne, d'abord cantonnée aux défenseurs des étrangers, a depuis gagné les milieux intellectuels, et jusqu'à certains proches d'Emmanuel Macron, alors qu'une partie des députés En Marche s'interrogent sur la logique répressive du texte.
Lâchant du lest, le gouvernement a déjà renoncé à la notion de "pays tiers sûr" (un pays de transit où les demandeurs auraient pu être renvoyés).
Mais les discussions s'annoncent serrées pour amender le texte, avant les débats parlementaires en mars-avril.
La ministre Jacqueline Gourault a prévenu la semaine dernière: les chances que les dispositions du projet de loi soient adoptées avant le 30 juin "sont maigres".
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