L'Institut de sciences médicales (Pims), plus grand établissement de santé de la capitale, dispose d'une quinzaine de couveuses. Un appareil généralisé dans le monde développé, mais qu'à peine une dizaine d'hôpitaux publics proposent dans tout le pays, selon le professeur Haider Shirazi, chef du service néonatal.
En cas d'infections, fréquentes chez les bébés prématurés, les couveuses sont pourtant obligatoires. "Dans d'autres parties du pays, les enfants décèdent" sans pouvoir être sauvés, explique-t-il sobrement. Et d'ajouter: "au Pakistan, un bébé meurt toutes les deux minutes."
Le géant musulman, fort d'une population de 207 millions d'habitants, à la fécondité galopante, a la plus importante mortalité néonatale au monde, d'après une étude de l'Unicef rendue publique mardi. Avec un décès toutes les 22 naissances, soit plus de 45 pour 1.000, il devance la Centrafrique, l'Afghanistan et huit autres pays d'Afrique subsaharienne, souvent instables.
A l'autre bout du classement, le Japon, qui "a passé des décennies à garantir les conditions nécessaires à la protection des vies des bébés", ne perd qu'un nourrisson sur 1.111 dans son premier mois, peut-on lire sur le site japonais de l'Unicef.
Le classement est embarrassant pour le Pakistan, quarantième économie de la planète, dont seulement "0,5 à 0,8% du PIB a été investi dans la santé ces dix dernières années", remarque Kennedy Ongwae, un médecin kényan travaillant pour l'Unicef à Islamabad.
'Pathétiquement bas'
"C'est un dixième de ce que conseille l'OMS", soit 6% du PIB, note-t-il. "Le budget de la santé est si pathétiquement bas, qu'on ne peut rien faire avec", soupire le professeur Shirazi.
Outre ce financement insuffisant, le Pakistan fait face à un grave déficit de prévention. "La malnutrition des mères", conjuguée à "des grossesses non espacées", les font accoucher de bébés très petits à la naissance, ce qui les rend particulièrement fragiles, explique la doctoresse Shireen Gul.
Et de désigner trois corps malingres, incapables de tout mouvement tandis qu'ils sont frictionnés doucement. "Ce bébé pèse 1,1 kilo, celui-ci 1,4 kg et celui-là 1,2", énumère-t-elle, la voix presque couverte par les bips des couveuses.
"Beaucoup de bébés ici ne survivent pas", soupire Aysha Siddiqa, une infirmière, tout en manipulant un nourrisson inerte, regrettant également le manque de personnel dans son service.
"Dans le monde moderne, c'est une infirmière par bébé, voire une pour deux bébés" aux urgences néonatales, observe le Dr Gul. "Ici, c'est une pour huit".
Le docteur Ongwae, de l'Unicef, pointe une "qualité des soins" insuffisante au Pakistan. Alors que plus de deux fois plus de mères ont accouché dans des structures médicales entre 2001 et 2013 (soit de 21% à 48%), "les décès néonataux n'ont pas diminué en conséquence", constate-t-il.
'Hôpitaux pour tous'
Et d'évoquer les sage-femmes qui pratiquent "plusieurs accouchements sans se laver les mains", ou ces mères à qui l'on n'a pas appris à faire du "peau à peau" après l'accouchement, et dont les enfants se refroidissent trop vite, puis périssent.
Des comportements impensables au Japon, où "des réformes régionales (...) et surtout la présence de nombreux employés médicaux" ont permis à la médecine néonatale de "se maintenir à des niveaux très élevés depuis près de trente ans", écrit le professeur de pédiatrie Fumio Bessho sur le site japonais de l'Unicef.
"La facilité d'accès aux médecins et les hôpitaux pour tous, avec de nombreux examens pendant la grossesse, contribuent aussi à ce bon résultat", analyse Yasuhide Nakamura, professeur en questions de santé à l'université de Konan, basée à Kobé.
Et ce professeur d'insister sur le rôle de l'éducation des mères, et particulièrement du "manuel de santé mère et enfant", un livret distribué à toutes les femmes enceintes, qui "les rend probablement plus conscientes vis-à-vis de leurs enfants et d'elles-mêmes".
Des "classes pour mères" sont proposées aux femmes et des infirmières viennent gratuitement à leur domicile une fois qu'elles ont accouché, observe Hideki Kiyoshima, professeur d'études sociales modernes à l'université de Kinki.
"Tout cela est très simple. Nous savons ce qu'il faut faire, et ce n'est pas onéreux", remarque le professeur Haider Shirazi, pour qui la prévention permettrait de "diminuer de moitié" les décès de nouveaux-nés au Pakistan. Dont le sort n'a malheureusement jamais été "une priorité" des autorités, peste-t-il.
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