16 février 2017: après trois mois de vifs échanges -à l'intérieur comme à l'extérieur de l'hémicycle- le Parlement vote l'extension au numérique de ce délit instauré en 1993 pour sanctionner les "commandos" qui venaient perturber les établissements pratiquant l'interruption volontaire de grossesse.
La loi, promulguée fin mars, punit de deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende les auteurs de sites internet poursuivis par une femme estimant avoir reçu "des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation" pour l'empêcher d'avorter.
Douze mois plus tard, aucune plainte n'a été déposée, selon les informations recueillies par l'AFP.
Ivg.net, avortement.net, SOSbébés, afterbaiz, testpositif... Ces plateformes accusées par les institutions de délivrer de "fausses informations", parfois "sous une apparence officielle" ou via des numéros d'écoute gratuits, figurent en bonne place sur les moteurs de recherche.
Pour Alba Horvat, juriste bénévole à la Fondation des femmes, la loi n'a pas eu d'effet car elle est "trop complexe".
"Le délit est écrit de telle manière qu'il est difficile à démontrer", explique-t-elle à l'AFP. "Pour prouver l'entrave, on doit être en présence d'une femme qui cherche à s'informer sur l'IVG, qui subisse des menaces ou pressions assez graves pour qu'elle s'en rende compte, qu'elle en soit suffisamment affectée pour aller porter plainte, et qu'elle garde des preuves de ce qu'elle a subi".
'Liberté d'opinion'
Cette fondation féministe voudrait porter une première action en justice. Un processus "long" qui se heurte à des difficultés pour trouver des victimes et collecter des preuves (factures de téléphone, échanges de messages, etc.), reconnaît Mme Horvat.
"Le texte est difficile car il est contraint par les principes généraux sur la liberté d'expression", défend la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, à l'époque ministre des Droits des femmes. "Être opposé à l'IVG est une opinion et la liberté d'opinion est une liberté fondamentale".
Pour elle, cette loi qui "réaffirme le droit à l'avortement" a avant tout une "valeur pédagogique et dissuasive".
De fait, pour éviter qu'elle soit invalidée par le Conseil constitutionnel, saisi par des parlementaires au nom de la liberté d'expression, elle avait été réécrite "deux ou trois fois", se souvient Catherine Coutelle, ancienne présidente de la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale.
"On ne ferme pas les sites des pro-vie, on dit que les personnes qui ont été abusées ont le droit de porter plainte", poursuit la rapporteure de la loi, relayant à l'AFP les échanges d'une lycéenne avec des écoutants d'ivg.net: "elle a reçu des sms plusieurs fois par jour, des appels téléphoniques, ils ont pris des rendez-vous médicaux pour elle, lui ont dit qu'avec son bébé ils la mettraient dans un foyer et qu'elle aurait un revenu mensuel de 800 euros".
Chez ivg.net, site créé en 2008 qui était encore l'an passé mieux référencé que le site gouvernemental (ivg.gouv.fr), on réfute "toute accusation d'entrave", défendant "la liberté des femmes" de s'informer.
"Je ne vois pas comment on pourrait avoir une plainte dans la mesure où on répond à une démarche personnelle", dit à l'AFP Marie Philippe, directrice de cette publication d'une trentaine d'écoutantes et modérateurs, discrète sur ses positions sur l'avortement.
"C'est une loi d'idée, pas applicable", estime Emile Duport, porte-parole du mouvement anti-IVG Les Survivants qui possède plusieurs sites, affirmant en avoir été "peu inquiété". "Au contraire, ça nous a médiatisés", poursuit-il.
Reste que depuis un an, ces plateformes disent recevoir davantage de faux témoignages ou d'appels de femmes cherchant, selon eux, à les "piéger".
"Le but était aussi de déstabiliser", poursuit Laurence Rossignol. "Si aujourd'hui ces sites se sentent épiés, sous surveillance, et qu'ils font plus attention à ce qu'ils disent, c'est qu'on a un peu réussi".
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