Surnommé "le Club Med des pointeurs" (des délinquants sexuels, en argot) par ses détracteurs, ce centre de détention installé en plaine orientale, à 70 km au sud de Bastia, accueille 71% de délinquants sexuels. 85 des 124 détenus, sur 194 places que compte la prison, travaillent sur le domaine agricole, guident les brebis du pâturage à la traite dont ils ont la charge, font de l'élevage porcin, cultivent -en agriculture biologique- des olives et des immortelles -petites fleurs à l'odeur épicée. Ils sont rémunérés, comme le veut la loi, à hauteur de 45% du salaire minimum horaire, explique la directrice Laura Abrani.
"Les détenus d'aujourd'hui sont vos voisins de demain", résume Mme Braun Pivet, présidente de la commission des lois de l'Assemblée nationale, en observant trois détenus bergers conduire les 800 brebis du champ à la bergerie.
Elle est à la tête d'un groupe de travail, composé notamment des députés MoDem Erwan Balanant et LREM Caroline Abadie présents tous les deux aussi vendredi en Corse, qui réfléchit depuis novembre à des solutions alternatives pour réformer le système carcéral français. Des propositions seront faites d'ici la mi-mars dans le cadre de la loi de programmation de la justice.
'Cercle vicieux criminogène'
"On veut essayer d'individualiser la détention" en fonction des peines et des profils des détenus "qui ne nécessitent pas tous d'être dans des prisons à sécurité renforcée", explique Mme Braun-Pivet.
Cette avocate veut défendre "le rôle de la prison de mise à l'écart des personnes dangereuses pour la société" mais aussi son "rôle de réinsertion". Tout en reconnaissant une "résistance terrible des mentalités" devant ce type de prison où les conditions "plus humaines" bien que "très cadrées", elle espère "gagner la bataille de l'opinion".
"On veut s'occuper des victimes de demain, des surveillants: dans ces prisons (ouvertes, ndlr), il y a très peu d'incidents, pas de violence", a de son côté souligné Erwan Balanant, rappelant qu'en France en 2007 "59% des détenus ont récidivé dans les cinq ans". "Cette désinsertion coûte énormément à notre société", a-t-il ajouté, dénonçant "un cercle vicieux criminogène".
Tous deux ont énuméré les avantages de ces lieux: coût moindre, possibilité de les créer rapidement en reconvertissant d'anciens hôpitaux ou casernes, taux de récidive plus faible que dans les prisons traditionnelles.
"Les détenus peuvent pêcher et cuisiner leurs prises", explique à l'AFP Fabien Valla, premier surveillant de la prison, en montrant la splendide plage de sable fin du site.
'On entend la mer'
Les bâtiments de deux étages sont décatis mais propre. Chaque cellule est équipée d'un lavabo, d'une grande fenêtre sans barreaux et nombre de celles du rez-de-chaussé ont des chatières. Les félins déambulent entre les détenus dont certains jouent à la pétanque, d'autres au tennis. En soirée, ils peuvent suivre des ateliers - peinture, musique, chant. Des appels ont lieu toutes les trois heures.
"La nuit, il n'y a pas un bruit, pas d'insultes ou de cris, on entend juste la mer", confie à l'AFP Jean-Claude Sabalete, l'un des 30 surveillants. A 60 ans et après 28 ans d'exercice dans des prisons, "je pourrais prendre ma retraite mais non, je suis bien ici", dit-il.
Depuis 1949, date de la transformation du bagne en centre de détention, aucun suicide ou évasion: les détenus, ostracisés et souvent martyrisés dans les centrales du continent en raison de la nature de leur crime, sont volontaires et soigneusement sélectionnés pour venir à Casabianda. Et ils savent qu'à la moindre incartade, ils seront renvoyés dans une prison "traditionnelle".
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