Jeudi matin, Corse-Matin résumait ce sentiment ambivalent au lendemain du discours du chef de l'Etat sur l'avenir de l'île: "Macron blinde des portes et ouvre une lucarne".
Au-delà des annonces du président --qui a rejeté toute idée de co-officialité de la langue corse, mais aussi le statut de résident ou l'aministie des prisonniers "politiques"-- c'est aussi la forme qu'elles ont prises qui a heurté les dirigeants nationalistes corses, qui ont déploré jeudi soir "vexations", "condescendance" et "mépris".
Ce sentiment d'humiliation ressenti "ne peut que renforcer l'aile dure" des nationalistes, reconnaît Xavier Crettiez, qui n'exclut pas que "des petits groupes marginalisés, notamment dans la jeunesse" puisse avoir recours à la violence pour exprimer leur frustration.
"Je ne pense pas qu'il y ait à craindre des réactions violentes immédiates, mais les (élus) nationalistes n'ont de toute façon pas la main sur la violence", poursuit de son côté Thierry Dominici, spécialiste de la Corse à l'université de Bordeaux: s'il dit avoir "du mal à imaginer que le Front de libération nationale corse (FLNC) renaisse de ses cendres", il n'exclut toutefois pas que certaines personnes "expriment leur désappointement par le biais de la violence".
"Travaillez mieux, et si vous travaillez bien, on pourra évoquer d'autres avancées", a dit en substance le président Macron aux dirigeants nationalistes, résume M. Crettiez, qui y voit effectivement un "ton un peu professoral, arrogant et déplaisant", mais aussi, "sur le fond, plutôt une main tendue".
Le discours du président de la République a présenté des "formes d'ouverture" et l'engagement "d'une reconnaissance d'une spécificité insulaire", ajoute-t-il: le fait qu'Emmanuel Macron se soit déclaré "favorable à ce que la Corse soit mentionnée dans la Constitution" est une prérogative dont ne bénéficie "aucune autres régions" de France.
"Mois crucial"
Pour Thierry Dominici, le président "a soufflé le chaud et le froid" mais "du point de vue de la Constitution, il y a eu une grosse avancée".
Jeudi matin, au-delà des élus de la majorité nationaliste, nombre de Corses interrogés par l'AFP à Bastia préféraient plutôt évacuer les polémiques et retenir les annonces concrètes du chef de l'Etat.
"Moi qui ne suis pas de son parti, je pense qu'il va prendre les Corses et la Corse en considération", jugeait ainsi juste après le discours Mariette, une septuagénaire, satisfaite de ce qu'elle venait d'entendre. "Il a été vraiment dans le sens qu'on attendait. Je ne crois pas qu'il ait fermé toutes les portes, je suis confiante, je pense qu'il va travailler et au fur et à mesure du travail que les élus vont effectuer, peut-être lâchera-t-il un peu plus", estimait quant à elle Pancrace Maurizi, maire divers-droite de Chiatra en Haute-Corse.
Du reste, tout en regrettant une "occasion manquée", le chef de l'exécutif corse Gilles Simeoni a assuré mercredi soir que les élus allaient "continuer à travailler".
"Le mois à venir est plus que crucial, il est fondamental pour l'avenir proche de la Corse", estime M. Dominici: "Si l'exécutif insulaire n'arrive pas à mettre à plat le meilleur statut possible dans le cadre de l'inscription de la Corse dans la Constitution", alors "les citoyens corses seront déçus et risquent de se tourner vers des partis politiques plus radicaux lors des prochaines élections".
D'ores et déjà, trois syndicats étudiants nationalistes de l'Université de Corte, dans le centre de l'île, ont appelé à "une grève générale" à partir de la semaine prochaine. Les dirigeants nationalistes ont eux appelés les Corses à "rester mobilisés" et doivent se concerter durant le week-end.
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