La France tout comme les Etats-Unis ont publiquement attribué au président Bachar al-Assad les dernières attaques au chlore - six en un mois selon Washington - recensées dans des zones rebelles, où des dizaines de cas de blessés par suffocation ont été rapportés.
"Toutes les indications (...) nous montrent qu'il y a l'usage du chlore par le régime en ce moment en Syrie", a déclaré mercredi le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian, emboîtant le pas à l'ambassadrice américaine à l'ONU Nikki Haley.
Malgré le démantèlement des stocks syriens sous supervision russo-américaine en 2013, ces armes sont "à nouveau employées par le régime syrien, de manière méthodique, de manière systématique, contre sa propre population", a lancé l'ambassadeur de France à l'ONU, François Delattre, dans un constat sans appel.
Dès sa prise de fonctions en mai 2017, Emmanuel Macron avait tracé une "ligne rouge très claire" sur cette question, promettant "des représailles et une riposte immédiate" de la France en cas d'utilisation d'armes chimiques.
Un mois plus tard, Paris et Washington se disaient prêts à riposter de manière coordonnée à toute nouvelle attaque chimique du régime syrien. Logiquement, la question d'une éventuelle action militaire est donc aujourd'hui posée.
"A la lettre, la +ligne rouge+ de Macron est franchie. L'est-elle dans l'esprit ? Je n'en suis pas sûr du tout", estime Bruno Tertrais, directeur-adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris.
"Quand il a tracé sa ligne rouge, il est possible qu'il ait plutôt eu en tête une attaque massive de type Ghouta ou Khan Cheikhoun, très létale, menée à partir d'agents dédiés de type sarin", esquisse l'expert.
"Solution politique"
Après l'attaque de Khan Cheikhoun (nord), qui avait tué 88 personnes le 4 avril 2017 et provoqué un tollé international, le président Donald Trump avait ordonné le tir de 59 missiles de croisière contre une base aérienne des forces syriennes.
Déjà en 2013, le régime syrien avait été accusé d'avoir utilisé du gaz sarin dans la banlieue de Damas, faisant 1.400 morts.
Mais le président américain d'alors, Barack Obama, qui avait lui aussi tracé une ligne rouge, avait renoncé au dernier moment à procéder à des frappes, préférant sceller l'accord de démantèlement de l'arsenal chimique syrien. La France, lâchée en rase campagne par son allié américain, avait alors aussi renoncé à son opération punitive.
"Ces dernières attaques visent à tester si le président Trump tiendra sa ligne rouge sur les armes chimiques", avance David Adesnik, directeur de recherche d'une institution proche des conservateurs américains, la Foundation for defense of democraties (FDD).
"Le président n'exclut rien", martèle de son côté l'administration américaine, tout en se refusant à "toute spéculation" sur la réponse qui pourrait être apportée.
Tout comme Paris, Washington semble avant tout mettre l'accent sur le processus politique et s'en remettre aux Russes pour ce qui est de dissuader le régime syrien d'utiliser des armes chimiques.
"Si l'on estime qu'une action militaire aurait des conséquences dommageables à la recherche d'une solution politique, il pourrait être légitime de ne pas agir", souligne Bruno Tertrais.
La France a lancé de son côté une initiative au niveau des Etats, relayée par une trentaine de pays, visant à dénoncer et sanctionner des responsables d'attaques chimiques en Syrie sans plus attendre un blanc seing de l'ONU où Moscou bloque toute condamnation du régime.
"Les Américains considèrent que le chlore n'est pas vraiment une arme chimique. Cela leur évite d'avoir à réagir", relève aussi François Heisbourg, président de l'International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres.
Mais selon lui, "Emmanuel Macron a pris un risque" avec sa ligne rouge. "Si on dit et répète qu'il y a des attaques chimiques, on va se fabriquer une obligation de réaction. On n'en est pas loin", met-il.
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