"Peut-être que j'irai en enfer, mais pas pour avoir hébergé ces terroristes-là, parce que je ne savais pas que c'étaient des terroristes", a déclaré Jawad Bendaoud pour son ultime déclaration dans ce procès, le premier en lien avec les attentats du 13 novembre 2015 qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis. Le jugement sera rendu le 14 février.
"Je parie à 80% que je vais être condamné. Il y a l'opinion publique, les familles des victimes", a-t-il dit à la présidente Isabelle Prévost-Desprez. Mais ses avocats ont demandé la relaxe, attaquant point par point les arguments de leurs très nombreux confrères de la partie civile.
Jawad Bendaoud a été "la risée de tout un peuple. Moi-même, j'ai ri", a commencé à plaider Xavier Nogueras. "Il nous a permis de rire à un moment où nous pleurions (...). Il a été malgré lui une sorte de catharsis".
Jawad Bendaoud a été interpellé le 18 novembre 2015, après l'assaut des policiers du Raid contre son squat où il logeait deux jihadistes du 13-Novembre en fuite, dont le cerveau présumé des attaques, Abdelhamid Abaaoud. Son interview, maladroite, devant les caméras de BFMTV juste avant son interpellation avait déclenché rires et parodies.
"La conviction qu'il était innocent, je l'ai eue parce que je l'ai rencontré", a confié son avocat. Jawad Bendaoud est jugé depuis le 24 janvier pour "recel de malfaiteurs terroristes". Le parquet a requis 4 ans de prison contre lui.
"Non, il n'a pas retardé l'arrestation" des jihadistes, a plaidé Me Nogueras. Le buisson où Abdelhamid Abaaoud et son complice s'étaient cachés avant de se rendre dans la planque de Jawad Bendaoud le 17 novembre était déjà surveillé par des policiers. "Les policiers ont fait un choix de précaution, (...) celui d'intervenir plus tard".
Et pour Marie-Pompéi Cullin, son autre avocate, M. Bendaoud n'a pas pu faire le lien avec Abdelhamid Abaaoud. "Personne ne pouvait envisager le 17 novembre qu'Abdelhamid Abaaoud était en France", a plaidé l'avocate. Nous étions "tous persuadés" qu'il se trouvait en Syrie.
"Jawad tragedy club"
Jawad Bendaoud ignorait aussi que les deux hommes qu'il logeait étaient en fuite, selon son avocate. Elle a mis en avant "l'indifférence" du logeur pour les deux hommes et Hasna Aït Boulahcen, qui les a amenés chez lui. Ils se perdent dans l'immeuble, mais cela ne l'émeut pas vraiment. "Il s'en fout complètement d'eux", a répété l'avocate.
Avec les écoutes téléphoniques, "on a la démonstration qu'il ne savait pas" qu'il hébergeait des terroristes, ajoute Me Nogueras. "Et puis il va se présenter devant les caméras et ça c'est magnifique. Si vous étiez mêlé à tout ça, est-ce que vous iriez demander aux journalistes des photos des terroristes?", interroge-t-il.
"Jusqu'à aujourd'hui je ne comprends pas ce qui m'est arrivé", a confié M. Bendaoud. "Je vais écrire un bouquin en sortant" de prison, a-t-il dit, tant il ne supporte plus de répondre aux mêmes questions: "+Comment, pourquoi, et ton pote, et la fille? T'es con ou quoi?+ Je vais devenir fou". "C'est pas le Jawad comedy club, mais plutôt le Jawad tragedy club".
Son voisin dans le box, Mohamed Soumah, également jugé pour "recel de malfaiteurs terroristes" a redit qu'il était "désolé" pour les victimes. "Même si je n'étais au courant de rien, c'est de ma faute tout ce bordel: c'est moi qui ai présenté Hasna (Aït Boulahcen) à Jawad".
Le troisième prévenu, Youssef Aït Boulahcen, jugé pour "non-dénonciation de crime", comparait libre mais risque gros: le parquet a requis cinq ans de prison avec mandat de dépôt contre lui. "Oui, Abdelhamid Abaaoud est mon cousin germain. Et je suis le frère d'Hasna Aït Boulahcen. Mais ce n'est pas de ma faute", a-t-il dit.
"Je ne suis pas lié à Daesh, cette idéologie de destruction", a tenté de convaincre le prévenu.
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