"La République doit conserver cette ambition de ménager à la Corse un avenir à la hauteur de ses espérances, sans transiger avec les requêtes qui la feraient sortir du giron républicain", a déclaré le chef de l'Etat, très attendu par les dirigeants nationalistes de l'île qui réclament un "dialogue sans tabou".
L'assassinat du préfet Claude Erignac par un commando nationaliste le 6 février 1998 "ne se justifie pas, ne se plaide pas, ne s'explique pas", a poursuivi Emmanuel Macron, lors d'une cérémonie d'hommage organisée sur les lieux mêmes du crime.
En inaugurant une place Claude Erignac à cet endroit, "nous scellons notre union indéfectible dans la République", a-t-il ajouté.
"La Corse, terre de fierté et de dignité, a été salie par ce crime", a poursuivi le chef de l'Etat, qui s'est exprimé après une allocution de Dominique Erignac, la veuve du préfet, et en présence notamment du dirigeant autonomiste de l'exécutif corse Gilles Simeoni. Il a également affirmé que "la justice de la République (avait) pu être rendue" et qu'elle serait "suivie sans complaisance, sans oubli, sans amnistie".
Le chef de l'Etat était arrivé à 11H20 dans la petite rue Colonna-d'Ornano où le préfet de Corse avait été tué de trois balles alors qu'il se rendait au théâtre pour assister à un concert avec son épouse.
"J'espère que la République ne faiblira jamais en Corse", a déclaré Dominique Erignac, veuve du préfet, entourée de ses deux enfants, en rendant hommage à son mari sur "ce lieu maudit" où elle a dit avoir pensé ne jamais revenir. Un olivier y a été planté avec, gravée au sol, l'inscription "Un homme, une place".
L'hommage s'est déroulé en présence de près de 300 invités parmi lesquels le président du Sénat Gérard Larcher, de nombreux élus corses et les anciens préfets de l'île. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur à l'époque du drame, a également assisté à la cérémonie, convié par l'Elysée "par tradition républicaine". "Il ne faut pas y voir un message politique", a indiqué une source proche de l'Elysée alors que Gilles Simeoni y a vu un "très mauvais signal".
Près de 200 autres personnes étaient également présentes parmi lesquels Paulette, sexagénaire, venue "car on n'oublie pas cet assassinat, cet acte lâche dont, nous, les Corses, on ne peut pas être fiers".
Le président de l'Assemblée de Corse, l'indépendantiste Jean-Guy Talamoni était absent, ayant expliqué que sa "présence (aurait été) déplacée" et "sûrement pas souhaitée par les proches du préfet Erignac".
"Fenêtre historique"
La mort de Claude Erignac - premier préfet tué en France depuis la Seconde Guerre mondiale - avait provoqué une énorme émotion en Corse, avec, les jours suivants, les plus grandes manifestations jamais organisées à Ajaccio et Bastia. Trois membre du commando, dont Yvan Colonna qui était devenu "l'homme le plus recherché de France", sont toujours aujourd'hui emprisonnés.
Depuis, le nationalisme corse a tourné en 2014 la page de la clandestinité et des attentats, avant de triompher dans les urnes, élisant en 2017 trois députés sur les quatre de l'île, puis obtenant une majorité absolue aux élections territoriales en décembre.
Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni se sentent ainsi en position de force avant leur entretien avec le président de la République prévu à 19H00 dans le bâtiment majestueux de la Collectivité territoriale unique à Ajaccio.
"Il y a une fenêtre historique pour sortir de la logique de conflit", a estimé Gilles Simeoni qui s'est toutefois inquiété mardi dans Corse-Matin de la présence "autour du président de la République, de faucons qui campent sur un refus total de toute avancée et jouent la politique du pire".
Le chef de l'Etat devrait attendre la dernière étape de sa visite dans l'île, à Bastia mercredi après-midi, pour préciser sa vision de la Corse dans un discours. Il aura auparavant rencontré des élus des autres tendances politiques de l'île, comme le maire LR d'Ajaccio Laurent Marcangeli, et des membres de la société civile.
Son discours sera aussi très suivi à Paris, notamment dans le cadre du débat sur la révision de la Constitution qui porte sur les institutions mais pourrait inclure la Corse, comme le réclament les nationalistes. Parmi leurs autres demandes, figurent la co-officialité de la langue corse, le statut de résident et le rapprochement des prisonniers dits "politiques".
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