A 10H30, le chef de l'Etat est attendu dans la petite rue Colonna-d'Ornano à Ajaccio où le 6 février 1998 le préfet de Corse était tué de trois balles, dont une à bout portant dans la tête, alors qu'il se rendait au théâtre pour assister à un concert avec son épouse.
Emmanuel Macron inaugurera la place Claude Erignac où un olivier a été planté avec, gravée au sol, l'inscription "un homme, une place". La veuve du préfet, Dominique Erignac, et leurs deux enfants ont choisi les détails de cet hommage, "avec un objectif: celui de la plus grande sobriété", a expliqué l'actuel préfet de Corse, Bernard Schmeltz.
Seront présents notamment d'anciens préfets de la région et de nombreux élus insulaires dont le président nationaliste du Conseil exécutif Gilles Simeoni qui, avant d'être élu, a été l'un des avocats d'Yvan Colonna, condamné à la perpétuité pour l'assassinat de Claude Erignac.
En revanche, sera absent le président de l'Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, qui explique son refus d'y participer par son "histoire politique" proche des mouvances indépendantistes clandestines.
La mort de Claude Erignac -premier préfet tué en France depuis la seconde guerre mondiale- avait provoqué une énorme émotion en Corse. Les jours suivants, des dizaines de milliers d'insulaires avaient exprimé leur tristesse lors des plus grandes manifestations jamais organisées à Ajaccio et Bastia.
Un groupe anonyme avait revendiqué le 9 février l'assassinat du "plus haut représentant de l'Etat" en Corse. Après plusieurs mois de confusion et de fausses pistes, l'enquête avait débouché le 21 mai 1999 sur l'arrestation de quatre hommes qui passaient aux aveux. Yvan Colonna, devenu "l'homme le plus recherché de France", n'a été arrêté que le 4 juillet 2003. Outre ce dernier, deux membres du commando restent aujourd'hui emprisonnés.
'Feuille blanche'
Depuis, le nationalisme corse a tourné en 2014 la page de la clandestinité et des attentats, avant de triompher dans les urnes, élisant en 2017 trois députés sur les quatre de l'île, puis obtenant une majorité absolue aux élections territoriales de décembre.
Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni se sentent ainsi en position de force pour accueillir Emmanuel Macron, avec lequel ils s'entretiendront à 19H dans le bâtiment majestueux de la Collectivité territoriale unique qui domine Ajaccio et sa baie.
"Il y a une fenêtre historique pour sortir de la logique de conflit", a expliqué lundi Gilles Simeoni. Mais "pour un dialogue il faut être deux. Et pour l'instant nous avons été les seuls à avoir donné des signes tangibles que nous voulions ce dialogue", a-t-il poursuivi.
Le responsable autonomiste a en effet indiqué ignorer quelles étaient "les intentions" d'Emmanuel Macron qui a très peu évoqué publiquement la Corse depuis son élection. "On part pratiquement d'une feuille blanche avec lui", résume Gilles Simeoni, en prévenant: "si demain les portes du dialogue restaient fermées, nous serions dans une situation de crise, de blocage politique".
Le chef de l'Etat devrait attendre la dernière étape de sa visite dans l'île, à Bastia mercredi après-midi, pour prononcer un discours sur sa vision de la Corse. Il aura auparavant rencontré des élus des autres tendances politiques de l'île, comme le maire LR d'Ajaccio Laurent Marcangeli, et des membres de la société civile.
Ce discours sera aussi très suivi à Paris, notamment dans le cadre du débat sur la révision de la Constitution souhaitée par Emmanuel Macron, qui porte sur les institutions mais pourrait inclure la Corse, comme le réclament les nationalistes. Parmi leurs autres demandes, figurent la co-officialité de la langue corse, le statut de résident et le rapprochement des prisonniers dits "politiques".
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