Certains n'ont jamais manié une arme de leur vie, mais ils sont des dizaines à s'être enrôlés pour rejoindre le front ou renforcer les équipes médicales.
"Afrine, c'est la terre où j'ai grandi, comme mes parents et mes grands-parents. C'est un devoir pour moi de combattre", martèle à l'AFP Asmaa, 19 ans, étudiante en première année de journalisme, qui a abandonné les bancs de l'université pour prendre les armes.
Après l'offensive lancée le 20 janvier par la Turquie contre cette enclave kurde, des dizaines d'étudiants ou de fonctionnaires ont répondu à l'appel à la "mobilisation générale" lancé par l'administration semi-autonome kurde.
"Aujourd'hui, je ne me considère pas comme une étudiante, je suis une combattante", poursuit gravement Asmaa, ses cheveux noués en une tresse, un keffieh noir et blanc autour du cou.
Autour d'elle, des dizaines de garçons et filles se mettent en marche, parcourant les rues de la ville pour un défilé militaire à l'aspect inattendu tant les uniformes sont dépareillés.
Certains marchent en jean et baskets, d'autres ont revêtu un gilet militaire aux poches bourrées de munitions. Des groupes brandissent les drapeaux jaune, vert et rouge des différentes forces kurdes, tandis que certains volontaires ont déjà un fusil d'assaut à la main. Tous scandent des slogans hostiles au président turc Recep Tayyip Erdogan.
'Pas le choix'
L'offensive turque vise à chasser de la frontière la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), considérée comme "terroriste" par Ankara, mais alliée de Washington dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI). Ankara reproche aux YPG ses liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mène depuis des années une insurrection meurtrière en Turquie.
Comme Asmaa, les jeunes femmes peuvent rejoindre les Unités de protection de la femme (YPJ), force kurde exclusivement féminine qui fait la fierté d'une communauté se targuant de respecter l'égalité des sexes, jusque sur le champ de bataille.
Jinda Tolhildan, responsable d'une organisation de jeunesse à Afrine, explique que les volontaires suivent une formation d'une semaine pour apprendre à utiliser les armes, avant d'être envoyés au front.
"On est conscient qu'une semaine, c'est pas suffisant, mais nous n'avons pas le choix. L'ennemi nous a attaqués, et nous devons nous défendre par tous les moyens possibles", explique-t-elle durant les funérailles de combattants et combattantes tombés au front.
Autour d'elle, le cortège funéraire avance. Plusieurs cercueils couverts d'un tissu rouge, décorés de couronnes de fleurs, des drapeaux des différentes forces kurdes, sont portés par des hommes. Des femmes pleurent, mais devant les caméras, elles font le V de la victoire.
'Première fois'
Ferhad Akid, étudiant en agronomie de 21 ans, fait partie des volontaires qui vont rejoindre "la résistance".
"Les avions turcs mènent des frappes sur Afrine, contre les civils et contre nos forces", lance le jeune homme.
"Nous en tant que jeunes, nous nous sommes engagés, au prix de notre vie, à protéger notre région et notre peuple", poursuit l'étudiant à la frêle carrure.
La Turquie, qui dément mener des frappes contre les civils, n'a jamais accepté l'autonomie de facto établie par les Kurdes dans le nord de la Syrie à la faveur du conflit qui ravage le pays depuis 2011. Elle craint que sa propre communauté kurde ne développe des aspirations similaires.
Birusk Hasakeh, porte-parole des YPG à Afrine, explique que l'administration semi-autonome kurde, au pouvoir depuis 2013, avait mis en place un service militaire d'un an pour les jeunes des territoires sous son contrôle, et dispose donc de "forces réservistes".
"Des centaines ont rejoint les différentes unités" des Forces démocratiques syriennes (FDS), principale coalition kurdo-arabe dominée par les YPG, précise le responsable.
"Les institutions publiques ont fermé et les fonctionnaires de l'administration autonome on pris les armes", poursuit-il.
Tirij Hassan fait partie de ces volontaires qui ont suivi une formation accélérée pour pouvoir rejoindre le front.
"On a été initié dans un centre au port d'armes légères", confie le jeune homme de 22 ans, un keffieh blanc et noir sur le crâne.
"C'est la première fois que je manie une arme, mais je suis heureux, car c'est pour défendre Afrine, ses habitants et nos enfants", s'enthousiasme-t-il.
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