Détenu à la prison de Fleury-Mérogis en région parisienne, d'où il a été extrait en fin de nuit escorté par des unités d'élite, Salah Abdeslam est arrivé au palais de justice de Bruxelles environ quatre heures plus tard, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier.
Ce procès en correctionnelle n'est qu'un préambule à celui qui aura lieu en France pour les attentats qui y ont fait 130 morts. Mais il est très attendu pour savoir si le petit délinquant devenu "ennemi public numéro un" sortira du mutisme qu'il observe face aux enquêteurs français.
"Le droit au silence est un droit important et au moment où je vous parle il n'y a rien qui indique quelle sera la position de l'intéressé", a déclaré devant la presse, peu avant l'ouverture des débats, le président du tribunal Luc Hennart.
"Il faut que ça reste un procès ordinaire. S'il y a le moindre problème je fais évacuer la salle", a-t-il aussi averti.
Un dispositif de sécurité hors norme était en place dans et autour du Palais de justice, un hélicoptère survolant l'imposant bâtiment du 19e siècle avec un projecteur.
Des véhicules blindés de la police et de l'armée étaient positionnés à proximité et l'on pouvait voir des militaires armés et cagoulés. Des dizaines de journalistes spécialement accrédités faisaient la queue dès les premières heures de la matinée.
Agé de 28 ans, Abdeslam, Français d'origine marocaine qui a grandi à Molenbeek, quartier populaire et métissé de Bruxelles où il s'est radicalisé, apparaît au coeur d'une cellule jihadiste impliquée dans au moins trois dossiers terroristes majeurs.
Les attentats de novembre 2015 à Paris, ceux du 22 mars 2016 à Bruxelles (32 morts) et l'attaque avortée dans le train Thalys Amsterdam-Paris en août 2015 relèvent "peut-être d'une unique opération" de l'organisation jihadiste Etat islamique (EI), estime le parquet fédéral belge.
Les faits pour lesquels Salah Abdeslam sera jugé de lundi à vendredi - avec relâche mercredi - remontent au 15 mars 2016.
Des enquêteurs français et belges avaient été surpris par des tirs pendant une perquisition de routine dans une des planques bruxelloises de la cellule, située rue du Dries à Forest.
Trois policiers avaient été blessés et un jihadiste algérien de 35 ans, Mohamed Belkaïd, tué en leur faisant face avec une kalachnikov pour couvrir la fuite d'Abdeslam et d'un complice, Sofiane Ayari, un Tunisien de 24 ans jugé avec lui à Bruxelles.
Kamikazes
Cet épisode avait précipité la fin de la cavale de celui qui était alors l'homme le plus recherché d'Europe, et dont l'empreinte ADN avait été découverte dans la planque.
Il avait été interpellé avec son complice Ayari trois jours plus tard, le 18 mars, à Molenbeek, une arrestation considérée par les enquêteurs comme l'élément déclencheur des attentats du 22 mars 2016, quand trois kamikazes se sont fait exploser à l'aéroport et dans le métro de la capitale belge.
Une association de victimes créée en Belgique à la suite de ces attaques, V-Europe, vient d'ailleurs de réclamer d'être partie civile au procès lundi, estimant selon son avocat Me Guillaume Lys, que "la fusillade de la rue du Dries s'inscrit dans un continuum entre le 13 novembre et le 22 mars".
"Les victimes des attentats ont besoin et ont le droit d'avoir des réponses", justifie l'avocat.
Cette constitution de partie civile de dernière minute pourrait être mal accueillie par la défense des deux prévenus, mais plusieurs sources dans le dossier ont exclu tout nouveau report.
L'audience avait déjà été repoussée mi-décembre pour laisser le temps à Sven Mary, l'avocat de Salah Abdeslam tout juste rappelé à ses côtés, de prendre connaissance du dossier.
Ce pénaliste belge réputé l'avait assisté après son arrestation mais avait jeté l'éponge sept mois plus tard, convaincu que son client ne collaborerait pas avec la justice.
Isolement
Les deux prévenus sont jugés pour "tentative d'assassinat sur plusieurs policiers" et "port d'armes prohibées", le tout "dans un contexte terroriste", et encourent jusqu'à 40 ans de prison.
Salah Abdeslam sera par ailleurs jugé en France pour les attentats du 13 novembre, un procès autrement plus lourd, dont la date n'a pas encore été fixée.
Sofiane Ayari est lui aussi suspecté dans l'enquête sur ces attentats parisiens, où il apparaît sous plusieurs fausses identités. La justice française le réclame, vraisemblablement pour l'inculper à son tour.
Ce Tunisien de 24 ans fait partie de la dizaine de jihadistes que Salah Abdeslam a convoyés depuis l'Europe centrale entre août et octobre 2015.
Il avait été pris en charge par ce dernier à Ulm (Allemagne) le 3 octobre 2015 en compagnie de deux autres hommes dont Ossama Krayem, un des suspects-clés des attentats de Bruxelles.
Abdeslam avait été transféré fin avril 2016 à Fleury-Mérogis en région parisienne, où il a toujours été maintenu à l'isolement, sous vidéosurveillance 24 heures sur 24.
Dès lundi soir et pendant la durée du procès à Bruxelles, il doit être hébergé dans une prison du nord de la France, à Vendin-le-Vieil, permettant de "dupliquer" ces conditions de détention.
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