Après le Brexit en 2016 et la montée de l'extrême droite en France, en Allemagne ou encore en Autriche, Bruxelles et les capitales européennes s'inquiètent désormais de la poussée des populistes et eurosceptiques dans la troisième économie de la zone euro.
Les arguments du Mouvement 5 étoiles (M5S, populiste) et la Ligue du Nord (LN, extrême droite) font souvent mouche dans un pays vieillissant, qui peine à redémarrer après plusieurs années de récession, où la précarité fait fuir les jeunes diplomés à l'étranger, mais qui a vu parallèlement débarquer près de 630.000 migrants depuis 2014.
L'immigration reste d'ailleurs un thème sensible, comme cela s'est encore vérifié samedi avec une fusillade à caractère raciste, après le meurtre d'une jeune femme attribué à un Nigerian dans cette région du centre de l'Italie.
Le leader de la Ligue, Matteo Salvini, s'est empressé de dénoncer l'"invasion migratoire" en dépit des appels au calme et à la sérénité lancés par le chef du gouvernement Paolo Gentiloni.
Selon les sondages, la coalition entre Forza Italia (FI, droite), LN et le petit parti post-fasciste Fratelli d'Italia (FdI) est en tête avec plus de 35% des intentions de vote, à quatre semaines du scrutin du 4 mars. Viennent ensuite le M5S (28%), le Parti démocrate (PD, centre gauche, au pouvoir, 25%), et ... les indécis, qui représentent encore 35 à 40% des électeurs.
La nouvelle loi électorale, adoptée l'an dernier, instaure un cocktail complexe de scrutins proportionnel et majoritaire, obligeant les médias italiens à rivaliser de projections pour tenter de déterminer le seuil nécessaire afin d'obtenir la majorité des sièges, qui varie selon les experts entre 40 et 45% de voix.
"Le seul qui puisse y arriver, depuis son lit d'hôpital, c'est Silvio Berlusconi", explique Roberto D'Alimonte, politologue de l'université Luiss à Rome, en référence à un coup de fatigue du vieux milliardaire cette semaine.
A 81 ans, l'ancien chef du gouvernement parti sous les sifflets en 2011, raillé à l'étranger pour ses bourdes et ses soirées bunga-bunga, opéré à coeur ouvert l'année dernière, encore inéligible après une condamnation pour fraude fiscale, est en effet de retour.
Comme au bon vieux temps, il s'est allié avec la Ligue du Nord, mais le parti sécessionniste, mis à terre par des scandales financiers, s'est mué, sous l'impulsion du volubile Matteo Salvini, 44 ans, en une formation nationaliste, anti-euro et anti-immigration sur le modèle du Front national français.
Fougueux allié
Et, en dépit des promesses qu'il est allé faire en personne la semaine dernière à Bruxelles, l'ex-Cavaliere peine à canaliser son fougueux allié, qui ne voit pas l'intérêt de respecter la limite de 3% du PIB pour le déficit budgétaire, promet les mêmes taxes à l'importation que le président américain Donald Trump et s'en prend même aux vaccins obligatoires... validés par les élus FI.
Mais cette coalition hétéroclite étant encore loin d'avoir une avance suffisante, les médias italiens rivalisent aussi de scénarios pour évaluer les autres possibilités d'alliances.
Un gouvernement centriste et europhile avec le PD et FI ? Une alliance anti-euro M5S/LN/FdI ? Toutes les combinaisons sont dans l'air. Cependant, aucune ne semble en mesure d'obtenir une majorité, du moins pour l'instant.
La main sur le coeur, tous les leaders politiques affirment s'y refuser, mais sans vraiment complètement fermer la porte. Même le M5S, né du rejet de la vieille classe politique, s'est dit prêt à discuter avec les autres partis.
Désormais représenté par le jeune Luigi Di Maio, 31 ans, au physique de gendre idéal, le M5S semble avoir renoncé à son projet de référendum sur une sortie de l'euro et promet lui aussi des baisses d'impôts et le rapatriement des clandestins.
Si aucune majorité ne se dessine, le président de la République, Sergio Mattarella, pourrait maintenir en place l'actuel chef du gouvernement, Paolo Gentiloni, désormais plus populaire que son prédécesseur Matteo Renzi, bien qu'ils soient tous deux issus du même Parti démocrate.
Dans un pays qui a connu 64 gouvernements depuis la proclamation de la République en 1946, la perspective ne l'effraie pas.
"Nous avons une certaine expertise dans l'art de trouver des solutions à l'instabilité politique", a-t-il ainsi affirmé à Davos.
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