Au café "Forum du livre", des Irakiens, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, assis sur des banquettes, discutent avec passion littérature, mais aussi musique, politique ou histoire.
Ils sirotent thé, café ou jus, en fumant pour certains le narguilé, tout en écoutant un musicien accompagner avec son oud (luth oriental) un poète déclamant ses vers sur une estrade.
En face, sur le seul mur qui n'est pas couvert d'étagères de livres, des tableaux forment une galerie de portraits où le poète irakien du Xe siècle Moutanabbi côtoie le Palestinien Mahmoud Darwich (1941-2008). Des toiles abstraites sont aussi exposées.
Il y a encore quelques mois, penser ouvrir un café littéraire, mixte et enfumé, dans la deuxième ville d'Irak alors tenue par le groupe jihadiste Etat islamique (EI) pouvait conduire à la mort ou au mieux à la flagellation. Pourtant, Fahd Sabah, l'un des deux fondateurs du projet, a imaginé un tel lieu à cette époque.
'Informer, éclairer'
"Alors qu'on vivait sous le joug de l'EI, je me suis dit qu'il fallait absolument ouvrir cet endroit. Il fallait informer les gens, éclairer les esprits, amener de nouvelles idées", assure cet Irakien de 30 ans, ingénieur sans perspective d'emploi dans son pays comme de nombreux jeunes diplômés en Irak.
Aussi, dès que les jihadistes ont été chassés de la ville, il s'est attelé à trouver un endroit et à imaginer sa décoration lui-même. En un mois, il a trouvé un petit local près de l'université, tout installé, investissant ses économies et celles de son associé.
Un tel sacrifice valait la peine, assure-t-il avec passion à l'AFP, car il espère, grâce à ce projet, former à Mossoul "une nouvelle conscience pour dépasser cette terrible période et les dégâts laissés par la guerre".
Lire, dit le proverbe arabe, est le propre des Irakiens. Mossoul, carrefour historique du commerce et de la culture au Moyen-Orient, s'enorgueillissait depuis longtemps de sa rue al-Noujaïfi, celle des libraires et des bouquinistes. Mais les jihadistes de l'EI y ont méthodiquement détruit et brûlé livres et bibliothèques.
Alors aujourd'hui, une poignée de militants a créé le "Trottoir des livres", installé depuis quelques semaines au pied de l'Université.
Ali Najam, 23 ans, vient tous les vendredis fureter dans les étals des bouquinistes installés au pied d'un immeuble dont la carcasse de béton a été éventrée par les bombes. Aujourd'hui, il a jeté son dévolu sur une édition en anglais de L'Amour au temps du choléra, du Nobel de littérature colombien Gabriel Garcia Marquez.
"Les gens, dit-il, ont cruellement besoin de culture et de se construire une conscience après les épreuves qu'ils ont traversées". A Mossoul, après trois ans du "califat" de l'EI, "il faut reformer les esprits, ce qui est plus important encore que de reconstruire les maisons et la ville", affirme-t-il à l'AFP.
'Les autres visages'
"Malgré les destructions, Mossoul va se reconstruire grâce aux cerveaux de ses jeunes et de ses intellectuels", veut croire Younès Mohammad, écrivain de 33 ans.
Il faut, plaide Abdelmoneim al-Amir, qui dirige l'Union des écrivains de la province, "montrer au monde, qui n'a vu récemment de Mossoul que le sang, la destruction et la désolation, les autres visages de la ville". "Habitants et artistes, dit-il, doivent faire briller les facettes humaine, culturelle et académique" de cette cité traversée par le fleuve Tigre.
Mais jusqu'ici, tout se fait avec les moyens du bord, dans une ville ravagée par la guerre, rongée par le chômage et handicapée par la lenteur de la reconstruction. Coupée de l'Etat central durant les années d'occupation jihadiste, elle a aussi été privée des budgets alloués aux institutions et à leurs fonctionnaires.
"Les instances publiques chargées de la culture doivent maintenant faire leur devoir", exhorte l'écrivain Hamed al-Zoubaïdi.
Et la mission est d'importance pour l'Irak, qui a annoncé en grandes pompes en décembre la "libération" du pays et la "fin de la guerre" contre l'EI, assure Hind Ahmed, 31 ans, apprêtée d'un voile blanc parsemé de papillons de couleurs.
"Il faut libérer les esprits et les idées après avoir libéré le terrain", lance cette ingénieure emmitouflée dans un manteau beige à l'AFP. "Et donner l'opportunité de participer à tous. Hommes et femmes".
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