Derrière le slogan "Demucrazia è rispettu pè u populu Corsu" ("Démocratie et respect pour le peuple corse"), cette manifestation, soutenue par un collectif réunissant syndicats, associations et les différents mouvements nationalistes, vise "à convaincre le président, à travers une mobilisation populaire et pacifique, d'ouvrir un dialogue", a indiqué à l'AFP le président autonomiste du conseil exécutif Gilles Simeoni.
Interrogé sur l'éventualité d'une participation moins importante qu'espéré, Gilles Simeoni a souligné "l'importance qu'elle soit une réussite et qu'elle se passe bien, d'éviter tout débordement qui pourrait donner des prétextes à celles et ceux qui ne veulent pas d'une logique de déblocage".
Mais le risque politique est de passer à côté de ce moment "où les conditions n'ont jamais été aussi favorables d'un règlement par le haut" de la question corse, insiste-t-il.
Pour l'autonomiste, ce rassemblement est une réponse aux "fins de non-recevoir sur la quasi-totalité des dossiers" --co-officialité de la langue corse, rapprochement et amnistie des prisonniers, statut de résident, inscription de la Corse dans la constitution-- qu'il a présentés la semaine dernière à Paris avec son allié Jean-Guy Talamoni au Premier ministre Edouard Philippe et au président du Sénat Gérard Larcher.
'Nouvelle phase politique'
Après ces réunions, Matignon avait semblé surpris par la déception des élus nationalistes. "Il y a eu avec le Premier ministre un dialogue constructif : à l'issue de cet échange, chacun a d'ailleurs convenu que nous entrions dans une nouvelle phase politique", avait-on fait valoir dans l'entourage de M. Philippe. Matignon a "pris acte" de l'appel à manifester qui avait suivi ces rencontres, tout en souhaitant que le "dialogue initié" entre le gouvernement et l'exécutif local corse se "poursuive".
A l'Elysée, où l'agenda du président lors de sa visite en Corse mardi et mercredi n'est officiellement toujours pas complètement calé, en dehors de sa présence pour une cérémonie de commémoration du 20e anniversaire de l'assassinat du préfet Erignac, l'heure est à l'attente et à l'observation.
Sur l'île, pour compliquer un peu plus la position de Gilles Simeoni, la manifestation devrait aussi marquer le retour sur le devant de la scène politique nationaliste de Charles Pieri, ex-chef du Front de libération nationale corse (FLNC), dont la présence annoncée pourrait d'ailleurs être un repoussoir pour certains.
Cette figure de la violence clandestine "incarne la mystique de la cagoule", rappelle à l'AFP le politologue Xavier Crettiez.
'Ombre tutélaire'
Charles Pieri est apparu en première ligne lors d'une réunion publique de préparation de la manifestation, le 27 janvier à Corte et a annoncé dans une rare interview jeudi à Corse-matin "reprendre une place de responsable dans l'exécutif" de Corsica Libera, le parti de M. Talamoni.
La présence de M. Pieri "n'est pas neutre, cela suscite de l'émotion et pose des questions", note-t-on dans les couloirs de la Collectivité de Corse. L'ex-dirigeant du FLNC pourrait être vu comme une "ombre tutélaire" au-dessus des têtes de MM. Talamoni et Simeoni et "être utilisé par Paris pour mettre à distance un certain nombre des revendications nationalistes", résume M. Crettiez.
Une idée rejetée par Gilles Simeoni : "il n'y a aucune ombre tutélaire au-dessus de ma tête", a-t-il assuré à l'AFP.
Autre sujet de discorde, les chemins de fer corse (CFC), une société publique financée par la Collectivité, ont annoncé mercredi des trains supplémentaires et "une réduction de 50% sur tous les trains +Grandes Lignes+" samedi, à l'occasion de la manifestation ajaccienne.
Malgré une mise au point assurant que CFC avait agit par motivation commerciale et non politique, la mesure a irrité au plus haut point nombre d'internautes et l'opposition politique insulaire qui s'était déjà dissociée de la manifestation, jugée malvenue à trois jours de la visite d'Emmanuel Macron pour le 20e anniversaire de l'assassinat du préfet Erignac.
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