Il y a ceux qui le prennent avec le sourire : Charles, 67 ans, bottes au pied, sort de chez lui une bouteille de champagne de marque à la main. Ce chef d'entreprise vient d'évacuer ses bureaux. "Quitte à se noyer, autant se noyer dans l'alcool !", rigole un de ses salariés.
Dans la nuit, l'eau a peu à peu envahi le jardin de la grande maison, où se trouvent aussi les bureaux de cette entreprise de poissonnerie de gros. "Depuis 05H00 ça monte, ça monte ! On a commencé par se replier dans la véranda pour travailler, mais là ça devenait trop risqué", raconte Charles à l'AFP. "L'eau a envahi le garage, les cabanes de jardin, c'est le bordel."
D'autres habitants, comme Jeanne, 75 ans, sont un peu plus préoccupés. "On a l'habitude, mais on est un peu inquiets quand même". "Ce matin, j'étais en peignoir et j'ai vu l'eau monter dans la rue".
"C'est allé super vite", ajoute Eric Schlegel, maire sans étiquette de la ville. Vers 2H00 du matin l'eau a franchi le mur anti-crue et a déferlé sur la rive de la Marne, inondant caves, jardins ou garages de ces demeures cossues construites au bord de la rivière.
En milieu de journée, elle avait atteint 5,60 mètres et devait continuer à monter. Le pic de crue était attendu samedi à 5,80 mètres après celui de la Seine qui a été atteint lundi.
Une dizaine d'habitants qui le souhaitaient ont été évacués, "surtout des personnes âgées", explique le maire. Mais aucun arrêté d'évacuation n'a pour l'heure été pris. Environ 400 foyers sont touchés par des pannes d'électricité ou des inondations à Gournay-sur-Marne et Noisy-le-Grand, la commune voisine, selon la préfecture.
"On est un peu comme un Uber"
A côté du pont de Gournay, les agents du service technique s'apprêtent à évacuer ou transporter en barque les habitants coincés par les eaux. "On fait des aller-retour", raconte un agent technique. "On a amené certaines personnes manger, d'autres faire des courses". "On est un peu comme un Uber".
Dans les rues alentours, un homme se hâte d'assembler des parpaings au pied de son portail qui donne sur une rue où l'eau monte peu à peu. D'autres ont installé bâches et sacs de sable pour colmater leur entrée.
"On en a pour deux semaines avant que ça redescende", soupire Hubert, 50 ans, bottes au pied.
Seule sa cave est pour l'instant inondée et les dégâts restent limités: du fait de leur proximité avec le cours d'eau, "les vieilles maisons d'ici sont surélevées, avec des caves semi-enterrées", explique-t-il.
Les habitants ont aussi été tenus informés de la montée des eaux "depuis une semaine, en temps réel", ajoute Nathalie, 45 ans, qui part travailler. "J'ai eu le temps de ranger ma cave, mon garage. J'ai tout enlevé".
Le mur anti-crues, construit dans les années 80, après un important débordement en 1983, a lui aussi permis de limiter les dégâts. "Sans lui "on aurait été sous l'eau depuis longtemps", assure Charles.
Mais des questions se posent aujourd'hui sur la régulation en amont de la rivière, la gestion des réservoirs d'eau et la densification urbaine, a dit à l'AFP la municipalité.
Mais pour Charles et certains de ses voisins, vendredi, "il faut relativiser". "On à la chance d'habiter en bord de Marne, dans un coin magnifique. Tous les vingt ans on a une crue, c'est la nature !"
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