Le directeur général de la banque publique d'investissement française Bpifrance, Nicolas Dufourcq, a dit cette semaine, quelques semaines avant une visite à Téhéran du ministre des Affaires étrangères Jean-Yves le Drian, être en "discussions très avancées" avec les autorités iraniennes pour accompagner l'implantation d'investisseurs français en Iran.
L'Iran a tout pour séduire les entreprises françaises: "un pays à énorme potentiel", avec son marché intérieur de 80 millions de personnes, des réserves de pétrole et gaz parmi les plus importantes au monde et une industrie qui requiert d'énormes investissements, explique à l'AFP Ludovic Subran, chef économiste chez l'assureur-crédit Euler Hermes.
Mais l'arrivée au pouvoir de Donald Trump il y a un an a renforcé la crainte de sanctions extra-territoriales des Etats-Unis. Il y avait eu ainsi le précédent de la banque française BNP Paribas qui avait écopé d'une amende de 8,9 milliards de dollars en 2014 pour avoir enfreint les lois américaines contre l'Iran et d'autres pays.
"Le contexte a beaucoup changé par rapport à l'euphorie de 2015 et 2016, au moment de la levée partielle des sanctions", explique à l'AFP Julien Marcilly, chef économiste de l'assureur-crédit Coface, qui place l'Iran parmi les pays où le risque d'impayés des entreprises est "extrême".
"Beaucoup d'entreprises, qu'elles soient françaises ou pas, se trouvent dans une zone grise et attendent d'y voir plus clair avant d'y aller franchement", ajoute-t-il. Il mentionne "l'imprévisibilité" américaine et les récents troubles en Iran qui ont d'ailleurs contraint M. Le Drian à repousser son déplacement prévu initialement en début d'année.
"Ces incertitudes ne sont évidemment pas propices aux prises de décision et provoquent une sorte d'attentisme", dit un spécialiste des affaires commerciales avec l'Iran, sous couvert de l'anonymat. "On marque le pas", affirme-t-il.
Le professeur d'économie à l'université de Bordeaux Olivier Babeau a mis en garde dans une récente publication du think tank Fondation Concorde: "A l'heure où la France (...) semble encourager plus que jamais ses entreprises à aller y investir et s'y développer, il paraît opportun de se demander si ces nouveaux échanges seront profitables à nos entreprises comme à la population iranienne".
Des sanctions élargies ?
Le président américain a exigé des Européens il y a un mois qu'ils aident à remédier aux "terribles lacunes" de l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien. Faute de quoi les Etats-Unis réimposeront les sanctions et sortiront de facto du pacte conclu à Vienne avec les autres grandes puissances (Chine, Russie, France, Allemagne et Royaume-Uni) et l'Iran.
"Les entreprises pensaient que les sanctions américaines pouvaient être levées. Au final, elles restent et risquent même de s'intensifier", prévient M. Subran, parlant d'une "épée de Damoclès".
Après l'amende de BNP Paribas, les grandes banques internationales sont particulièrement prudentes.
D'où l'initiative de Bpifrance de s'impliquer directement, M. Dufourcq estimant que son institution n'est pas sujette aux sanctions américaines, car n'ayant pas de personnalité juridique aux Etats-Unis.
Il a évoqué l'ouverture à l'Iran d'ici mai ou juin des dispositifs qui permettent à des acheteurs étrangers d'obtenir des crédits de Bpifrance pour faciliter leurs acquisitions. Selon lui, il y aurait un volume de financement de l'ordre de "1,5 milliard d'euros" pour des projets d'exportateurs français.
Le patron de Bpifrance a par ailleurs dit être en contact avec Washington: "nous n'avons pas de raison de cacher la manière dont nous allons procéder".
M. Subran craint toutefois que les Etats-Unis n'aillent plus loin dans la surveillance des transactions de pays tiers avec l'Iran: "L'un des sujets aujourd'hui est l'extension des sanctions aux emails qui passent par des serveurs aux Etats-Unis et risquent d'être repérés".
Ce contrôle des flux des informations et des données "rendrait les règles plus tentaculaires et compliquerait la tâche des entreprises qui veulent se renforcer en Iran", ajoute-t-il.
Les investisseurs pourraient être alors découragés, d'autant que "les perspectives de croissance auxquelles on s'attendait lors de la levée de sanctions ne se sont pas vraiment améliorées", souligne M. Marcilly. "C'est l'un des pays dans le monde ou la frustration sociale est la plus forte", rappelle-t-il.
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