"Je suis pas comme les passeurs: ils sont tous fous et dangereux comme les talibans de mon pays!", s'exclame Daniel, Afghan hazara de 18 ans, chaussures de randonnée aux pieds.
Vers 09H30, la distribution du petit-déjeuner par l'association Salam a déjà débuté, sous une bannière "Ouvrez la frontière" déployée sur un poteau électrique.
Habib, Ethiopien de 32 ans, capuchon bleu sur la tête, récapitule les événements de la veille: "Il y a eu une bagarre entre Erythréens et Afghans. Les Afghans ont tiré plusieurs fois, les Erythréens sont revenus se venger avec des bâtons et des pierres".
Ces rixes qui ont éclaté jeudi après-midi à divers endroits de Calais entre des centaines de migrants, ont fait 22 blessés, selon un dernier bilan officiel. Cinq migrants ont été touchés par balle, dont quatre grièvement. "Un degré de violence jamais connu", a estimé le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, venu sur place jeudi soir.
Il s'agit en effet du bilan le plus lourd depuis le 1er juillet 2017, lorsque des bagarres interethniques avaient fait 16 blessés, dont un grave.
Près de la "Big Jungle", le plus gros des trois campements où se mêlent Africains et Afghans, Daniel raconte: "Ici les ambulances ont débarqué, la police était désespérée, ne savait pas quoi faire, les gens se battaient..."
La raison de cette débauche de violence? "Il y avait des migrants qui n'avaient plus d'argent, les passeurs se sont mis en colère et ont tiré", croit savoir Daniel.
Entente
Les migrants qui viennent se servir en thé et nourriture, dans le calme, éprouvent visiblement le besoin de parler. Mohamed, Ethiopien d'une vingtaine d'années, explique: les passeurs afghans "contrôlent des parkings, font du trafic d'armes et monter des gens dans des camions pour 2.500 euros".
Pour Loan Torondel, de l'Auberge des migrants, les passeurs sont effectivement à l'origine des rixes: "Ils se battent pour des clients, pour l'accès aux parkings, dans un contexte où beaucoup de gens sont arrivés à Calais depuis 15 jours".
Dans la matinée de jeudi, une grosse opération policière forte d'une vingtaine de véhicules a abouti aux ramassages des tentes et couvertures des campements. "Les conditions de vie sont terribles, il n'y a aucun moyen de s'abriter des intempéries", souffle Loan Torondel.
"La seule solution que trouvent le gouvernement et la police, c'est de casser les tentes et d'empêcher les gens de dormir", dénonce Jean-Claude Lenoir, président de Salam. "Dans cette précarité, évidemment les passeurs n'amènent rien de bon..."
"On dort parfois dans des tentes", témoigne Ahmad, migrant africain de 17 ans. "Mais la police fait tout pour nous frapper, nous mettre du spray dans les yeux et prendre nos affaires, tous les trois jours", déplore-t-il. Des accusations que réfutent à chaque fois les autorités.
Entre 550, selon la préfecture, et 800 migrants, d'après les associations, vivent actuellement à Calais pour tenter de passer en Grande-Bretagne.
Habib tient à l'entente construite avec certains Afghans: "Ce sont des amis, des frères... On ne pourra pas contrôler les passeurs, mais notre objectif ce n'est pas de créer la guerre. Nous sommes en pleine misère. Il ne faut plus que ce genre d'histoires recommence".
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