Au terme de ses deux jours de garde à vue, l'islamologue suisse de 55 ans a été déféré dans la nuit de jeudi à vendredi au parquet de Paris, qui entend ouvrir une information judiciaire dont les qualifications pénales n'ont pas été précisées à ce stade, a appris l'AFP de source judiciaire.
L'intellectuel, aussi contesté qu'il fut influent, s'était rendu mercredi à la convocation des policiers chargée de l'enquête préliminaire ouverte à son encontre en novembre pour "viols et violences volontaires".
A la suite du scandale Weinstein aux Etats-Unis, qui a entraîné dans de nombreux pays une libération de la parole de victimes d'abus sexuels, deux femmes avaient accusé, fin octobre, le théologien de les avoir violées, l'une en 2009 dans un hôtel lyonnais, l'autre en 2012 dans un hôtel parisien.
Ce petit-fils du fondateur de la confrérie égyptienne islamiste des Frères musulmans, professeur d'Etudes islamiques contemporaines à Oxford (Royaume-Uni), avait alors dénoncé "une campagne de calomnie".
La première plaignante, Henda Ayari, accuse l'islamologue de l'avoir violée dans un hôtel de la capitale en 2012. La jeune femme de 41 ans avait déjà raconté la scène dans son autobiographie en 2016, désignant son agresseur présumé par un pseudonyme et sous les traits d'un influent prédicateur musulman aux conférences très courues. Mais elle ne s'était résolue à porter plainte contre lui qu'après l'éclatement à l'automne du scandale lié au producteur américain Harvey Weinstein.
La défense du théologien a alors versé au dossier des pièces censées discréditer la parole de cette ancienne salafiste devenue militante féministe. Notamment des conversations sur Facebook au cours desquelles une femme, qui se présente comme Henda Ayari, fait en 2014 - soit deux ans après les faits présumés - des avances explicites au théologien, qui n'y donne pas suite.
La seconde plainte visant Tariq Ramadan avait été déposée fin octobre, quelques jours après la première.
Trois mois d'enquête
Cette femme de 40 ans, qui se présente sous le pseudonyme de "Christelle", accuse le professeur de l'avoir violée et frappée lors de leur unique rencontre dans un hôtel à Lyon en 2009.
"Coups sur le visage et sur le corps, sodomie forcée, viol avec un objet et humiliations diverses, jusqu'à ce qu'elle se fasse entraîner par les cheveux vers la baignoire et uriner dessus, ainsi qu'elle l'a décrit dans sa plainte", rapporte le magazine Vanity Fair qui l'a rencontrée.
Tariq Ramadan et "Christelle" ont confronté jeudi en fin d'après-midi, pendant plus de trois heures, leurs versions. Au terme de la confrontation, l'intellectuel, qui nie les faits, a refusé de signer le procès-verbal, selon des sources proches du dossier.
"Chacun est resté sur ses positions", a précisé l'une des sources.
Après une ultime audition, la garde à vue de Tariq Ramadan a été levée et il a été transféré au dépôt du palais de justice de Paris vers 01H00 vendredi, selon une de ces sources.
Avant de le convoquer, les policiers ont mené trois mois d'enquête préliminaires qui avaient débuté rapidement par l'audition des plaignantes, à Rouen et Paris. Selon une source proche de l'enquête, des dizaines de personnes de leur entourage et de celui du théologien ont été entendues, et de nombreux échanges numériques versés au dossier.
L'essayiste française Caroline Fourest, qui combat médiatiquement Tariq Ramadan depuis plusieurs années en l'accusant de cacher ses ambitions d'un islam politique, a également été auditionnée. Les avocats du théologien ont riposté en déposant une plainte contre elle pour subornation de témoin.
Après l'ouverture de l'enquête, qui a fait resurgir des accusations d'agressions sexuelles sur ses élèves à Genève dans les années 90, Tariq Ramadan a été mis en congé, d'un commun accord, de l'université britannique d'Oxford. Il continue toutefois de diriger un Institut islamique de formation à l'éthique (IIFE) à Paris.
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