Ankara ne cesse de réitérer sa détermination à poursuivre son offensive lancée le 20 janvier, malgré les appels à la retenue. Mercredi, le président français Emmanuel Macron l'a mis en garde contre toute velléité "d'invasion" de la Syrie.
La Turquie a lancé cette nouvelle opération avec l'aide de rebelles syriens pour chasser de sa frontière la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), classée groupe "terroriste" par Ankara mais allié incontournable de Washington dans la lutte contre les jihadistes.
Les avions turcs survolaient mercredi matin la ville d'Afrine, a constaté un correspondant de l'AFP, et les bombardements dans les environs de la cité ont gagné en intensité ces derniers jours, a-t-il précisé.
Les combats se déroulent dans le nord et l'ouest de la région. Ils sont accompagnés de tirs d'artillerie et de frappes aériennes turques, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
"Les violents combats se concentrent dans les secteurs de Jandairis et Rajo", deux localités du nord-ouest et du sud-ouest d'Afrine, selon le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane.
Fuyant les combats d'Afrine, quelque 15.000 personnes ont été déplacées au sein du district, et un millier se sont réfugiés dans le gouvernorat voisin d'Alep, selon Ursula Mueller, secrétaire générale adjointe de l'ONU, chargée des Affaires humanitaires.
'Les civils meurent'
Dans le principal hôpital de la ville d'Afrine, les blessés continuent d'affluer, transportés depuis les villages pilonnés par l'aviation turque, a précisé un correspondant de l'AFP.
Un garçonnet à la tête bandée est porté par son frère, tandis qu'un homme affichant des croûtes sur son visage tient sa main bandée. D'autres blessés ont eu une main ou une jambe amputée.
"Tout le monde sait que les civils meurent", a clamé mardi soir un vieillard dans l'hôpital après avoir perdu 12 membres de sa famille.
"Nous sommes les Daech d'Afrine", a-t-il ironisé, la tête et les mains bandées, utilisant l'acronyme en arabe du groupe Etat islamique (EI).
"Un enfant de 45 mois, un autre de neuf mois...", s'est-il lamenté.
Une famille de quatre personnes est elle venue récupérer le corps du patriarche, 80 ans. La tête posée contre le cercueil, une femme pleure.
La Turquie nie viser les civils et indique prendre pour cible uniquement les positions militaires des YPG.
Mardi, le ministre turc de la Défense, Nurettin Canikli, a assuré devant le Parlement que l'armée et les rebelles syriens qui lui sont alliés "n'ont fait de mal à aucun civils".
Côté turc, une adolescente de 17 ans a été tuée mercredi dans la ville frontalière de Reyhanli par une roquette tirée depuis le nord de la Syrie, a annoncé le maire de la ville. L'agence étatique Anadolu a imputé cette attaque aux YPG.
Depuis le début de l'offensive turque, les villes frontalières en Turquie sont régulièrement la cible de tirs de roquettes, qui ont déjà fait au moins quatre morts.
'Opération d'invasion'
Evoquée depuis plusieurs mois, l'intervention turque à Afrine a été précipitée par l'annonce de la création d'une "force frontalière" incluant les YPG, et parrainée par la coalition internationale antijihadistes emmenée par Washington.
La Turquie n'a jamais accepté l'autonomie de facto établie par les Kurdes dans le nord syrien à la faveur du conflit, craignant de voir sa propre communauté kurde développer des aspirations similaires.
Mercredi, le président français Emmanuel Macron a exprimé sa préoccupation, dans un article mis en ligne par Le Figaro.
Si "cette opération devait prendre un autre tour qu'une action pour lutter contre un potentiel terroriste menaçant la frontière turque, et que c'était une opération d'invasion, à ce moment, cette opération nous pose(rait) un problème réel", a affirmé M. Macron.
Depuis le 20 janvier, 85 combattants kurdes ont été tués de même que 81 rebelles pro-Ankara, selon l'OSDH. En outre, 67 civils dont 20 enfants ont péri dans les bombardements turcs sur Afrine, a ajouté l'ONG.
Ankara a par ailleurs affirmé avoir perdu sept soldats dans l'opération.
L'offensive vient compliquer davantage la recherche d'une solution à la guerre en Syrie dans laquelle sont impliqués de multiples acteurs locaux, régionaux et internationaux, et qui a fait depuis 2011 plus de 340.000 morts.
Au lendemain de pourparlers de paix à Sotchi (Russie), le président russe Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan se sont dits "satisfaits" de son déroulement.
L'initiative a toutefois abouti essentiellement à des déclarations d'intention, notamment à un accord sur la création d'un comité chargé "de rédiger un projet de réforme constitutionnelle".
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